Marc Zinga : “Je suis acteur, mais je me vois comme un raconteur d’histoires”

Marc Zinga : “Je suis acteur, mais je me vois comme un raconteur d’histoires”

Rencontre Karin Tshidimba

Des frères Dardenne à James Bond, de la musique au théâtre, l’acteur belge, originaire du Congo (RDC), conjugue des talents multiples. Cette semaine, il était juré du Festival international du Film francophone (Fiff) de Namur.

L’histoire est authentique : le déclic de la scène et de la comédie remonte à l’enfance, à la danse interprétée par son professeur, M. Van Laethem, lorsque Marc Zinga était encore en primaire. “Il nous a passé la chanson ‘Le soleil a rendez-vous avec la lune’ de Charles Trenet et il s’est mis à danser, à swinguer. J’ai été fasciné, hypnotisé par ce que je voyais. Inconsciemment, j’ai pris la décision de consacrer mon temps à essayer de produire sur les gens ce que cela avait produit sur moi.”

Pour être “autonome et avoir les moyens de refuser les rôles qui ne [l’]intéressent pas”, Marc Zinga décide de faire des études de réalisation à l’IAD. Ce qui lui permet “d’avoir un plan B, à portée de main. Et d’avoir, un jour peut-être, la possibilité de raconter une histoire qui m’intéresse très personnellement et que je ne vois pas racontée par d’autres”. Ou qu’on ne lui propose pas.

“Je cherche des projets qui m’élèvent”

“La priorité, c’est de participer à quelque chose de fort et de m’émanciper. Par ailleurs, la réalisation demande des qualités qui sont plus difficiles à atteindre pour moi. Le travail d’acteur fait davantage appel à des réflexes. Avant tout, je cherche des projets qui m’élèvent. Ça m’arrive de lire et de réfléchir à des idées de réalisation. Mais ce qui viendra, viendra.” C’est son côté philosophe…
Son rôle de juré au Fiff, il le voyait de la même façon, en début de semaine. “En tant qu’amateur de cinéma, c’est une chance de pouvoir voir autant de films. Ce qui facilite la tâche, c’est la convention qui précise que j’ai le droit d’exercer ma subjectivité et je ne vais pas m’en priver. Je laisse mon intuition parler, puis on débattra avec les camarades et advienne que pourra. Je ne m’en inquiète vraiment pas. J’essaie surtout de tirer de l’expérience de tout cela : de voir comment raconter une histoire…”
“Je suis acteur, c’est ma fonction première, mon métier, mon instinct, mais je me vois principalement comme un raconteur d’histoires. J’aime voir les choses comme un ensemble. Quand je travaille un personnage, la première question que je me pose c’est : qu’est-ce que l’histoire veut raconter ? C’est ça qui va me permettre de définir le personnage dans ses attitudes et sa psychologie.”
Cela requiert une fameuse souplesse, celle du caméléon. Personne n’oublie que Marc Zinga est le seul comédien à allier dans sa filmographie les frères Dardenne et la franchise James Bond (“Spectre” de Sam Mendès). Une figure de style qui tient du grand écart, déjà pratiqué, à une moindre échelle, entre “Les Rayures du zèbre” de Benoît Mariage et “Qu’Allah bénisse la France” d’Abd Al Malik.
Au-delà de  la musique et de l’expérience de “minorité africaine en Europe”, ces deux-là sont habités par le même intérêt pour l’histoire, la poésie et la philosophie. On n’est donc pas étonné d’apprendre qu’ils travaillent ensemble sur le nouveau projet de film d’Abd Al Malik. D’autant que tous les deux admirent Césaire qui a permis à Marc Zinga de se glisser, sur les planches, dans la peau de Lumumba.
Il n’a échappé à personne, particulièrement en RDC mais aussi au sein de la diaspora, que le même Marc Zinga avait campé Mobutu, en télévision, quelques années auparavant pour Canal+ (“Mister Bob”). Un joli clin d’œil au parcours de ce jeune Belge arrivé de Likasi, au Congo, à l’âge de 5 ans.

“La fierté et la sensation de se sentir représenté, cela n’a pas de prix”

“C’est le fruit du hasard. Je ne me suis jamais réveillé en me disant : il faut que je joue du Césaire ou il faut que j’interprète Mobutu ou Lumumba. Vu la puissance de Césaire et l’aura du personnage de Mobutu, il n’est pas étonnant que des gens s’en emparent et, à ce moment-là, ils ont besoin d’acteurs noirs pour les incarner. Le fait que je me retrouve dans les noms proposés tient d’une certaine logique”, explique-t-il modestement.
Je vis cela comme une grâce : avoir la possibilité de porter l’œuvre de l’un des plus grands poètes d’expression française que le monde ait connu et, par la même occasion, d’entrer en dialogue avec les spectateurs africains ou d’origine africaine, par le biais de ces projets. C’est très gratifiant et très touchant. Tout cela crée une entreprise humaine très forte. L’histoire et l’inconscient collectif sont complexifiés parce qu’on amène de nouvelles figures historiques. Or l’histoire est primordiale pour se construire et avancer. La fierté et la sensation de se sentir représenté, cela n’a pas de prix…”

“On espère boucler la trilogie de Césaire”

Après “Une saison au Congo” et “La tragédie du roi Christophe”, l’acteur et son metteur en scène Christian Schiaretti souhaitent boucler le triptyque avec “Une tempête”, l’adaptation par Césaire de la pièce de Shakespeare. Ainsi ils complèteront la vision de la négritude par Césaire: celle du Noir d’Afrique dans « Une saison au Congo », celle du Noir des îles dans « La tragédie du roi Christophe » et celle du Noir d’Amérique dans « Une tempête ». Ce projet, conçu avec le Théâtre de Lyon, pourrait arriver en Belgique. Des discussions sont en cours avec le Théâtre de Namur, notamment…
En Marc Zinga, cinéma et théâtre saluent un talent énorme; l’acteur, lui, rend hommage à sa bonne étoile. Quant au public, il reconnaît sa discrétion, sa modestie et cette façon unique de “croire dans le pouvoir de la décontraction”.

Ses principaux rôles à l’écran:
Nos Patriotes (2017)
Bienvenue à Marly-Gomont (2016)
La fille inconnue (2016)
007 Spectre (2015)
Dheepan (2015)
Jamais de la vie (2015)
Qu’Allah bénisse la France (2014)
Les rayures du zèbre (2014)
Mister Bob (2011) TV – Canal+
Diamant 13 (2009)

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