Les voix s’élèvent en RDC pour réclamer justice dans le Nord-Kivu.
“On a atteint le sommet de l’inhumanité à Goma”, tonne Jean-Claude Mputu, politologue et chercheur congolais cosignataire d’une lettre ouverte aux Congolais. Intitulée “Carnage à Goma, Le Congo pleure ses morts et réclame justice”, cette lettre signée par de nombreux mouvements citoyens et personnalités non politiques veut attirer l’attention sur le massacre de plusieurs dizaines de civils non armés, le 30 août au petit matin, dans les rues de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Ce mercredi-là, des dizaines d’hommes de la garde présidentielle ont pris d’assaut une “église” où se trouvaient les membres d’un mouvement mystico-religieux qui milite notamment pour le départ des troupes onusiennes de la République démocratique du Congo. Une manifestation était annoncée dans la journée contre la présence de troupes étrangères à Goma. “Mais rien ne justifie qu’on donne ainsi l’assaut à une église avant même le début d’une manifestation”, explique un élu de la ville qui préfère conserver l’anonymat. Plusieurs sources font état d’une rumeur qui voulait que des Rwandais se trouvaient dans l’église. “Même avec cette explication, le déchaînement de violence est inacceptable”, poursuit l’élu.
Sans ménagement, sans sommation, les militaires ont ouvert le feu, selon plusieurs blessés, dont certains se trouvaient à l’extérieur du bâtiment et ont été atteints par des “balles perdues”. ” Ça tirait, ça hurlait dans tous les sens”, explique l’un d’eux. “C’était l’apocalypse”.
Les autorités congolaises ont tenté de minimiser la violence et le bilan de cette intervention militaire. “Six morts dont un policier”, annonçait le premier communiqué officiel. C’était sans compter sur les images filmées à la sauvette par des témoins, quelques minutes après l’assaut. On y voit de nombreux corps tirés sur le sol comme des marchandises. “Jetés et empilés dans des camions, comme des marchandises”, explique une des personnes qui a réussi à filmer ces moments.
On veut étouffer ce nouveau massacre”
“Sans réaction des habitants de Goma, le pouvoir aurait vite fait d’oublier ce massacre”, poursuit Jean-Claude Mputu. “Il faudra attendre trois jours pour que le président de la République Félix Tshisekedi daigne condamner ces faits lors du conseil des ministres”, poursuit M. Mputu. “Le Premier ministre devra justifier l’intervention d’une unité des forces spéciales de la garde républicaine dans cette opération alors que ladite manifestation n’avait pas encore commencé”, explique de son côté le député national Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa, élu de Goma, dans une question parlementaire posée au chef du gouvernement congolais, silencieux depuis les faits.
Le samedi 2 septembre, deux vice-Premiers ministres seront dépêchés sur place. Le ministre de l’Intérieur Peter Kazadi et son homologue de la Défense Jean-Pierre Bemba. “Que voulez-vous qu’ils fassent quatre jours après les faits. Ils ont été conspués par la population et, paradoxalement, cette visite a permis de remobiliser vraiment les Gomatraciens”, explique un élu local. “Dans un pays normal, ces deux ministres devraient au moins proposer leur démission face à de tels actes. Chez nous, le ministre de l’Intérieur continue de se promener dans tout le pays alors que les morts violentes et inexpliquées se multiplient, c’est indécent. Regardez le dossier de l’ancien ministre des Transports et porte-parole du parti Ensemble pour la République Chérubin Okende retrouvé assassiné à Kinshasa. Rien n’avance. C’est un crime en pleine capitale. Il y a eu une pseudo-enquête, une autopsie qui remonte à un mois aujourd’hui. Mais rien ne filtre parce que ce dossier, comme bien d’autres, dérange le pouvoir”.
Silence belge
“Le silence congolais est insupportable, que dire de celui de la communauté internationale et surtout de la Belgique”, interroge le professeur Bob Kabamba, lui aussi cosignataire de la lettre ouverte. “Avec de tels événements, sous Joseph Kabila, il y aurait eu des condamnations dans tous les sens des Affaires étrangères belges”, poursuit le professeur de l’université de Liège. “On pourrait penser que le dossier de la RDC a été retiré des mains des Affaires étrangères tant ce ministère se tait dans toutes les langues. Des dizaines de civils non armés ont été abattus, des images existent, elles ne peuvent être remises en cause et il n’y a pas eu la moindre indignation. C’est insupportable pour les Congolais”, conclut Bob Kabamba.