Au Niger, après l’expiration de l’ultimatum, le temps de l’attente

Au Niger, après l’expiration de l’ultimatum, le temps de l’attente

La junte a fermé l’espace aérien par crainte d’une intervention extérieure qui peine à s’organiser.

Dimanche à minuit, l’ultimatum lancé par les membres de la Cédéao a expiré. La junte militaire nigériane, dirigée par le général Abdourahamane Tiani, qui a renversé le président Bazoum, toujours séquestré dans sa résidence présidentielle à Niamey depuis le coup de force du 26 juillet, ne s’est pas pliée à cette mise en demeure. Peu avant la fin de l’ultimatum, les responsables du coup d’État ont annoncé fermer l’espace aérien du Nigerjusqu’à nouvel ordre”, invoquant une “menace d’intervention qui se précise à partir des pays voisins”. “Tout État impliqué sera considéré comme cobelligérant”, ont-ils ajouté.

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La fermeture de l’espace aérien a perturbé lundi la desserte de certaines destinations africaines par les compagnies européennes. Chez Brussels Airlines, cette fermeture a impacté 12 de ses 17 destinations africaines. Les vols concernés seront détournés pour éviter le Niger, a indiqué la compagnie aérienne à l’agence Belga. Brussels Airlines utilise l’espace aérien du Niger comme corridor pour les vols vers l’Afrique centrale et orientale. Tous les vols devraient être assurés mais leur durée sera prolongée d’une heure et demie à trois heures et demie en raison du détournement. Selon la compagnie, les vols pourraient également devoir faire une escale pour se ravitailler en carburant. Il n’y a par contre pas de conséquences sur les vols de la compagnie vers Freetown, Monrovia, Conakry, Dakar et Banjul.

Prolonger les négociations

Ces pays membres de la Cédéao avaient donné sept jours à la junte pour rétablir le président dans ses fonctions, au-delà de ce délai, ils avaient prévenu Niamey que “toutes les mesures nécessaires” seront prises et pourront “inclure l’usage de la force”.

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Ils n’ont pas donné un chronogramme précis de leurs opérations à venir”, explique, sous le couvert de l’anonymat, un diplomate d’Afrique centrale qui a passé plusieurs années dans la région. “Mais il est évident que ce ne sera pas simple. On le dit depuis le premier jour du coup d’État, depuis que les putschistes sont parvenus à fédérer l’ensemble des forces armées autour de leur mouvement”.

Personne ne veut d’une guerre pour le Niger”, explique un de ses collègues qui pointe les réactions du Sénat Nigérian et la mise en garde du président algérien. Une intervention étrangère “aura des conséquences néfastes, inestimables et durables aussi bien au Niger que dans toute la sous-région”, a expliqué sur X (ex-Twitter), l’ancienne ministre nigérienne des Affaires étrangères Aïchatou Mindaoudou. Tous soulignent en effet le danger et le risque d’embrasement que ferait courir un recours à la force pour déloger la junte et rétablir le président Mohamed Bazoum. Un président qui, plus les jours passent, apparaît de moins en moins comme une solution crédible pour l’avenir. Les mobilisations populaires, aussi poussées dans le dos soient-elles par les réseaux sociaux largement téléguidés par Moscou, ont montré dans les rues de Niamey que le pouvoir du président Bazoum, étroitement associé à Paris, n’avait plus les faveurs d’une jeunesse transcendée par l’exemple des coups d’État dans les pays voisins.

Certains pays occidentaux se sont également dit lundi favorables à une solution diplomatique, dont l’Allemagne qui estime que les efforts de médiation n’en sont “qu’à leur début”, espérant que les auteurs du coup d’État y “répondront”.

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Le ministre des Affaires étrangères italien Antonio Tajani a dit “espérer” que l’ultimatum de la Cédéao allait être “prolongé”. “Nous devons reporter l’option de la guerre le plus possible”, a-t-il déclaré dans un entretien au quotidien La Stampa.

La Cédéao a annoncé ce lundi la tenue dès jeudi à Abuja, capitale du Nigeria dirigé par Bola Tinubu, président en exercice de l’organisation régionale, d’une nouvelle réunion pour évoquer la situation au Niger. “Au cours de cette rencontre, les dirigeants de l’organisation ouest-africaine se pencheront sur la situation politique et les récents développements au Niger”, indique lundi un communiqué de la Cédéao, qui montre ainsi que la voie du dialogue est toujours sur la table. Une source nigériane indique par ailleurs que les États-Unis, alliés du Niger et qui disposent de 1 100 soldats dans le pays, pourraient y participer.

Soutien du Mali et du Burkina Faso

Le Mali et le Burkina Faso, deux États frontaliers dans lesquels les militaires ont pris le pouvoir en 2020 et en 2022, n’ont de leur côté cessé de marteler leur soutien à “leurs frères d’arme” nigériens et leur détermination à ne pas s’en laisser conter par les mots d’ordre envoyés par la Cédéao dont ils ont été suspendus des instances décisionnelles.

Ce lundi, l’armée malienne a d’ailleurs annoncé l’envoi à Niamey par Bamako et Ouagadougou d’une délégation officielle conjointe en “solidarité” avec le Niger.

Le temps des négociations n’est donc pas révolu mais les marges de manœuvre sont étroites tant les positions de départ sont éloignées. La crainte d’un embrasement est évidente”, explique encore notre diplomate africain. Mais certains États de la région, dont le Nigéria, pays le plus peuplé de l’Afrique, déjà affaibli par des mouvements djihadistes et indépendantistes, ne peut se contenter d’observer en silence. La Côte d’Ivoire, pays bordé au nord par le Mali et le Burkina Faso, apparaît aussi comme un des États les plus décidés à en découdre militairement, les armées qui ont pris le pouvoir dans ces pays n’apparaissant pas à même de stopper l’avancée des djihadistes, ce qui est une réelle préoccupation pour le président ivoirien Alassane Ouattara.

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