Il y a 4 ans, à Sotchi, pour le premier sommet de ce genre, 45 États africains avaient répondu présent.
La photo de famille autour de l’hôte russe va être analysée. Les visages scrutés. Les sourires commentés. Les poignées de mains, fermes ou chaleureuses, disséquées. Rien ne sera anodin à l’occasion de ce deuxième Russie-Afrique, ces deux prochains jours à Saint-Pétersbourg.
Combien de chefs d’État et de gouvernement auront répondu à l’invitation ? Il y a quatre ans, à Sotchi, ils étaient 45, alors que le continent abrite 54 États. Vladimir Poutine, coincé dans sa guerre contre l’Ukraine, sait qu’il doit faire aussi bien sous peine que ce sommet soit déjà jugé comme un échec avant d’avoir commencé. Le service communication du Kremlin annonce la présence de 49 États et de 16 chefs d’État. La guerre des chiffres est lancée.
Donner de la consistance à l’Afrique
« Nous allons signer un paquet important d’accords et de mémorandums intergouvernementaux et interministériels avec des États et des associations régionales du continent africain » , a déjà promis le président russe dans un communiqué publié ce lundi 24 juillet, avant de promettre qu’un « plan d’action » sera signé qui esquissera les contours du « partenariat Russie-Afrique à l’horizon 2026 », histoire de montrer que ce pacte s’inscrit dans un agenda à moyen terme. C’est d’autant plus nécessaire que les engagements économiques de 2019, eux, se sont rarement concrétisés. « Comme souvent, dans ce genre d’exercice, il y a beaucoup de promesses, de grandes signatures, mais c’est de la mise en scène », explique un diplomate d’Afrique australe dont le pays entretient de très bonnes relations depuis des années avec la Russie et avant l’URSS. « Mais aussi avec la Chine », insiste-t-il… « Moscou va vouloir en mettre plein la vue des observateurs, surtout de la Chine et encore plus des Européens et des Américains. Mais nous ne sommes pas dupes. On connaît le contexte dans lequel nous allons nous rendre à Saint-Pétersbourg et on sait que ce sommet risque d’être une vraie répétition de ce qui s’est passé en 2019. » Plusieurs acteurs africains, qui insistent pour demeurer anonymes, affirment en substance que Moscou est un « acteur important qui n’a pas les moyens de ses ambitions. Mais il faut être présent, ça nous renforce face aux autres grands. Le monde est multipolaire pour nous aussi ».
« Business » est le mot qui revient le plus souvent. « Sécurité », aussi, voire « miliciens » ou, plus rarement « mercenaires ».
L’ombre de Wagner
En pleine insurrection des hommes de Wagner, les 23 et 24 juin, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a multiplié les appels téléphoniques à des responsables africains pour leur garantir que « tout était sous contrôle » et, surtout, que ces événements ne remettaient pas en cause l’engagement russe en Afrique. Car même si Moscou sait qu’il dispose de « l’atout céréalier » (voir ci-contre), il n’ignore pas qu’il a besoin de l’Afrique et qu’il en a besoin tout de suite. Les rentrées financières liées aux activités du groupe Wagner au Mali et en Centrafrique ne sont pas négligeables. La présence du chef de la junte militaire malienne, Assimi Goïta, sera particulièrement scrutée. L’homme, avare de voyages, n’a jamais quitté le continent africain depuis qu’il s’est installé à la tête du pays il y a deux ans. Faustin-Archange Touadéra, le Centrafricain, autre président sous haute dépendance russe sera aussi présent. Le capitaine burkinabé Ibrahim Traoré, chef de la junte devrait être présent. Depuis des mois, les Russes tentent de le convaincre de se « faire aider » par les hommes de Wagner. Mais jusqu’ici, l’homme a résisté malgré une situation sécuritaire très compliquée. « Wagner n’est pas la panacée », aime rappeler un ministre d’Afrique centrale qui épingle l’échec du « déploiement russe au Mozambique en 2019. Ils sont restés trois mois avant de devoir plier bagage. Un revers que beaucoup de pays africains n’ont pas oublié ». Malgré ce petit rappel, le sécuritaire sera inévitablement présent. Mais ces questions se traiteront dans les coulisses. « Il faut parler à tout le monde si on veut être plus forts. C’est du business », conclut un diplomate d’Afrique centrale qui insiste sur le changement lent mais certain de l’attitude de ses « frères africains ». « Tout le monde aime l’Afrique aujourd’hui parce que nous avons ce qui vous manque. Mais cela a un prix. On a suffisamment bradé. Aujourd’hui, il faut équilibrer ces échanges. Ce passage en Russie s’inscrit dans ce mouvement. On ne nous plumera plus », promet ce diplomate qui ne peut cacher sa formation dans les écoles de la République française et qui sourit, « les fables de La Fontaine, c’est impérissable. On n’est pas des grenouilles non plus ».