Le corps du porte-parole d’Ensemble pour la République a été découvert criblé de balles le 13 juillet dernier.
L’assassinat du député Chérubin Okende, le jeudi 13 juillet à Kinshasa, a encore tendu un peu plus une situation politique déjà particulièrement sensible en République démocratique du Congo.
Chérubin Okende, porte-parole du principal parti d’opposition Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, avait démissionné fin décembre 2022 de son poste de ministre des Transports, quelques jours après que sa formation politique a annoncé son retrait de l’Union sacrée de la nation (USN), la large plateforme politique mise sur pied pour soutenir l’action du président Félix Tshisekedi et lui dégager la voie vers un second mandat.
Depuis le 13 juillet et la découverte au petit matin du corps de Chérubin Okende criblé de balles dans son véhicule stationné sur un des grands axes menant au centre de Kinshasa, la capitale congolaise grouille de fantasmes, de théories douteuses entretenues par les petites phrases assassines de sorties médiatiques. Même la remise en liberté de Fortunat Biselele, alias « Bifort », ex-conseiller privé du président Tshisekedi, arrêté le 20 janvier dernier pour « trahison », « intelligence avec le Rwanda » et « propagation de fausses nouvelles », n’a pas permis de faire retomber la tension.
Des sextapes providentielles
Même constat pour la trentaine de « sextapes » mettant en scène le même Bifort qui ont inondé les réseaux sociaux au lendemain de sa remise en liberté provisoire. « Une tentative grossière de créer un contre-feu face au dossier de l’assassinat de Chérubin Okende », explique un diplomate européen qui ajoute que « ces images se trouvaient évidemment dans le téléphone de M. Biselele. Lequel téléphone était entre les mains des services de renseignement depuis son arrestation. On peut donc supposer que ce sont ces mêmes services, qui dépendent des plus hautes autorités de l’État, qui ont décidé de les dévoiler selon un calendrier qui sert leurs intérêts face à un dossier qui les mets particulièrement mal à l’aise. »
Les faits
Le malaise profond au sein du premier cercle du pouvoir naît du modus operandi de ce qui ne peut être présenté que comme l’enlèvement de Chérubin Okende sur le parking de la Cour constitutionnelle, le mercredi 12 juillet en milieu d’après-midi. L’ex-ministre était venu en matinée retirer une convocation suite à un appel d’un magistrat. Chérubin Okende était prié de se présenter le lendemain devant la Cour pour s’expliquer sur la déclaration de patrimoine faite à la fin de son mandat ministériel. Un délai jugé trop court pour préparer son dossier et rassembler toutes les pièces nécessaires. Quelques heures plus tard, le député était de retour sur le parking avec une demande de report de son audition de 24 heures. C’est son garde du corps qui s’est chargé d’aller déposer cette requête. C’est lui, déjà, qui en matinée était allé retirer la convocation, laissant à chaque fois son arme dans le véhicule.
Quand l’homme est ressorti, son patron et la voiture avaient disparu. Quelques heures plus tard, on apprendra que des hommes en armes sont entrés dans le véhicule. Que quelques dizaines de mètres plus loin, le 4×4 conduit par l’ex-ministre s’est arrêté et qu’un des hommes qui agissaient à visage découvert a pris le volant. C’est la dernière fois que Chérubin Okende a été vu vivant.
Les spéculations
Depuis ce jour, les questions se bousculent. Comment des hommes armés pouvaient-ils se trouver sur le parking de la Cour constitutionnelle ? Comment pouvaient-ils savoir que Chérubin Okende allait revenir ? Qui pouvait en vouloir à l’ex-ministre au point de l’assassiner ?
Le corps découvert le 13 juillet était criblé de plusieurs impacts. Des magistrats ont d’abord tenté de nier que la victime se soit trouvée sur le parking. Ils ont dû se rétracter.
Le garde du corps du député est en détention, un de ses chauffeurs aussi. Certaines autorités judiciaires ont déjà expliqué que la victime avait été tuée par l’arme du garde du corps retrouvée dans l’habitacle, chargeant l’homme de l’assassinat. Or le garde ne pouvant entrer dans les locaux de la Cour avec son arme, il devait l’avoir laissée dans le véhicule. Sans étude balistique, sans autopsie, ces déclarations renforcent le trouble.
Dans ce contexte, Moïse Katumbi a été le premier à s’adresser aux Nations unies, aux ambassades de l’Union européenne et des États-Unis, entre autres, pour demander une enquête internationale indépendante. Vendredi dernier, une semaine après les faits, le gouvernement congolais a décidé de solliciter l’expertise de la Belgique, de la France, de l’Afrique du Sud et de la Monusco. Ce lundi, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a confirmé avoir reçu une demande d’assistance de la RDC et s’est engagé à y participer tout en expliquant, selon l’agence Belga qui cite le cabinet du ministre, que « la nature exacte de cette assistance reste à discuter ».