RDC : Elle veut être candidate à la présidentielle. “La peur n’arrêtera pas la femme que je suis”

RDC : Elle veut être candidate à la présidentielle. “La peur n’arrêtera pas la femme que je suis”

Hortense Kavuo Maliro, femme handicapée active à Goma croit en ses chances pour le scrutin du 20 décembre.

En 2002, quand les coulées de lave du volcan Nyiragongo détruisaient vingt pour cent de Goma, tuant plus de 250 personnes, Hortense Kavuo Maliro apprenait qu’aucun plan d’urgence n’avait été prévu pour sauver une partie de la population. La colère a jailli. Pour la jeune femme de 22 ans, c’était le début d’une révolte mûrie qui l’amène, aujourd’hui, à 43 ans, à briguer la présidence de la République démocratique du Congo. Le 20 décembre prochain, les Congolais élisent leur président. Et s’ils élisaient une présidente ? Qui plus est : handicapée moteur ? “En tout cas, les candidats vont trouver sur leur chemin une adversaire coriace”, avertit Mme Kavuo dans un entretien exclusif accordé depuis Goma, à 6 250 km de Bruxelles. “Il m’était difficile de rester les bras croisés quand le Congo s’enfonce. J’ai pensé que l’heure est venue pour moi d’agir. Ils n’auront pas affaire à une femme facile”.

Femme de l’espoir

Ni banale ! Ses jambes enserrées jusqu’à la hanche dans des appareils orthopédiques, séquelles d’une polio ou d’erreurs de médecins, elle se déplace à l’aide de béquilles.

Ce qui ne l’empêche ni de foncer. Ni de faire entendre un rire qui, à distance, la rend terriblement sympathique. “J’ai toujours milité pour défendre la paix, l’inclusion et les droits des personnes handicapées”, assure celle qui soutient des écoles dans l’est du Congo, le Nord-Kivu, la province la plus dangereuse et meurtrie du pays, lieu de tant de massacres. Fondatrice à Goma de l’AISHP, l’Association pour l’intégration sociale des handicapés physiques, et promotrice d’une école pour enfants victimes de la guerre, Hortense Kavuo incarne là-bas l’espoir.

Docteur Denis Mukwege

Bien sûr que oui, je suis dans la course électorale. Parce que je ne peux supporter, même si l’on vient d’une famille sans nom et sans moyens, de voir mon pays continuer de tomber dans un trou noir”.

Les jours prochains, elle cherchera à rencontrer le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix, l’homme qui répare les femmes.

Ses priorités à elle : redorer l’image de la RDC en promouvant la paix, la justice et une société juste où tous ont leur place et où il fait bon vivre. Et pour ce, combattre la corruption. “C’est par l’administration que je dois commencer. Elle est la locomotive. La corruption est monnaie courante. Même la séparation des pouvoirs ne fonctionne pas chez nous. Le Congo est un scandale géologique tant son sous-sol est riche et sa population est l’une des plus pauvres du monde. 62 % de la population – soit 60 millions de personnes – vivent avec moins de 2,15 dollars par jour. Pourquoi n’y a-t-il pas une bonne gouvernance ? S’il faut s’attaquer à l’administration, innover ou la réformer, on s’y attaquera. Il faut nourrir tout le monde et ramener la paix, ce sont mes priorités absolues”.

Les Congolais, poursuit-elle, ont une vie misérable. “Pour ramener la paix et nourrir tout le monde, il faut d’abord mettre la locomotive sur les rails. Pourquoi ne trouve-t-on pas de solution durable à la guerre. J’ai la volonté et j’ai les compétences. Je suis licenciée en économie et j’ai du background. Oui, je suis ambitieuse, ambitieuse pour mon pays”.

RDC: femme, handicapée et candidate à la présidentielle de décembre

Gorille

Femme, de surcroît handicapée, n’a-t-elle pas peur, dans ce pays qui dénombre, depuis 1997, plus de 15 millions de morts et 500 000 femmes violées, particulièrement dans sa province du Kivu ? “Vous savez, on va tous mourir un jour. J’ai grandi dans la peur. À Goma, on te tue même dans la journée. La vie n’est plus sacrée au Congo. Tu te réveilles le matin, tu remercies Dieu d’être en vie. Les gens se taisent parce qu’ils ont peur d’être égorgés. Et ça se passe dans l’indifférence. Je suis à 72 km du parc de la Virunga. Si on tue un petit gorille, le monde entier va en parler. Tandis que des gens ici sont assassinés tous les jours. Il faut arriver à dire non. La peur, ce n’est pas ce qui va m’arrêter. Je suis chrétienne. Je dis toujours que je dépends de Dieu. On ne peut plus fuir, malgré la terreur qu’on fait subir.”

Elle nous envoie des photos d’exécutions sommaires la semaine passée, atroces. Encore un massacre dimanche au nord de Goma. Au moins 11 morts. “On ne peut pas continuer d’hypothéquer l’avenir de nos enfants et des enfants de nos enfants. Que va-t-on leur laisser en héritage ? Est-ce que des millions de gens vont continuer de mourir au Congo ? Je dis non, je dis stop, il faut un début. La peur n’arrêtera pas la femme que je suis”.

Massacres

Quant au conflit avec le Rwanda : “Qu’il pleuve ou qu’il neige, il sera toujours notre voisin. Il y a quatre ans, le président (Tshisekedi) a prêté serment de défendre tout le territoire national et il y a eu des millions de morts et des déplacements massifs des populations. Les pourparlers avec le Rwanda et l’Ouganda n’avancent pas. Quand va-t-on toucher le nœud du problème ? Quand on connaît la cause, on peut trouver la solution”.

100 000 dollars

Les élections présidentielles en décembre auront-elles lieu à la régulière, craint-elle des fraudes, des élections truquées ?

Je suis obligée de marcher avec. En 2018, une bonne partie de la population n’a pas voté parce qu’elle n’était même pas enrôlée. Et cela se répète. On voit déjà que ça commence à clocher et qu’il y a partout des irrégularités. Jusqu’à la validation des élus, il y aura des tricheries. Je n’ai pas le choix, je dois marcher dans le processus en place. Et de plus, ça coûte. Il faut 100 000 dollars – non remboursables – pour déposer sa candidature. Jusque-là, je n’ai pas de partenaires. J’ai besoin d’urgence de trouver des partenaires qui aiment le Congo et vont m’aider à expliquer partout ma vision de l’avenir du pays”.

RDC : Négociations pour un report des élections ?

Kinshasa

Celle qui depuis jeune fille milite pour les sans-voix, les oubliés, les enfants, les femmes, les vieux, les porteurs de handicaps, les malvoyants, les atteints de surdité, les mutilés, les albinos, les discriminés, quel espoir a-t-elle d’arriver dans le fauteuil de Tshisekedi ?

Sa réponse va étonner. “Avec de bons partenaires et une bonne campagne, et si je parviens à expliquer ma vision, j’ai 82 pour cent de chance d’être élue. Mais le Congo est grand et je dois aller partout, dans des endroits où il faut marcher pour y parvenir parce qu’il n’y a pas de routes, pas d’infrastructures, pas de moyens technologiques, des endroits inaccessibles. J’ai besoin d’une grande audience. Si je l’obtiens, je n’ai pas 82 pour cent, mais 100 pour cent de chance d’être élue”, a-t-elle répondu.

Que pensez-vous de cet article?

Derniers Articles

Journalistes

Dernières Vidéos