RDC : La tension monte encore d’un cran à Kinshasa après l’assassinat de Chérubin Okende

RDC : La tension monte encore d’un cran à Kinshasa après l’assassinat de Chérubin Okende

À cinq mois des élections, la capitale congolaise prend des allures de cocotte-minute qui n’attend qu’une étincelle.

La découverte, jeudi matin à Kinshasa, du corps criblé de balles de Chérubin Okende, député, ancien ministre des Transports et porte-parole du parti Ensemble pour la République de l’opposant Moïse Katumbi, a semé l’effroi dans la capitale congolaise. Une ville déjà traversée par de multiples tensions et rumeurs à un peu plus de cinq mois de l’élection présidentielle et à une dizaine de jours de l’ouverture des jeux de la Francophonie, l’un des deux grands rendez-vous internationaux de l’année pour la capitale de la République démocratique du Congo,.

C’est le président Tshisekedi, lui-même, qui a présenté la visite du pape François et ces jeux de la Francophonie, comme les deux grands moments de l’année”, rappelle un membre de son parti. Tandis qu’un député du Front Commun pour le Congo (FCC), la plate-forme politique de l’ancien président Joseph Kabila, s’ingénie à rappeler que le premier de ces moments s’était soldé par “une soupe à la grimace généralisée pour le pouvoir après les critiques du Saint-Père”.

Des jeux déjà amputés

Les jeux de la Francophonie, qui doivent se tenir du 28 juillet au 6 août, se dérouleront sans la délégation du Québec et avec une délégation de la Fédération Wallonie-Bruxelles limitée à une vingtaine d’artistes, les athlètes, eux, ne feront pas le déplacement à Kinshasa, malgré les messages encourageants de la déléguée générale de Wallonie-Bruxelles à Kinshasa, Kathryn Brahy, qui a tenu à expliquer “nous sommes persuadés que ce sera une grande réussite et une vraie fête particulièrement pour la jeunesse congolaise et la jeunesse francophone”. Les responsables québécois, eux, ont mis en avant des “raisons de santé et de sécurité” pour justifier leur retrait de la compétition.

Mais à Kinshasa, depuis jeudi, la question de la participation ou non aux Jeux de la Francophonie n’a plus guère voix au chapitre. L’assassinat et la mise en scène macabre du cadavre du porte-parole du principal parti de l’opposition, retrouvé au petit matin gisant dans sa voiture dont le moteur était toujours en marche, ont cristallisé encore un peu plus la tension politique.

Il y a une vraie psychose qui s’est installée”, confirme un des membres du parti de Moïse Katumbi. Le pouvoir en place a promis de tout faire pour élucider ce crime. Il a même annoncé qu’il allait associer les services étrangers de “pays amis” (dont l’Afrique du Sud et la Belgique) à l’enquête.

À qui profite le crime ?

Pour l’opposition congolaise, l’assassinat de Chérubin Okende est “au moins la démonstration de l’incapacité du pouvoir à assurer la paix et la sécurité dans le pays”. Beaucoup pointent aussi du doigt les propos du président Félix Tshisekedi, le 25 juin dernier lors d’une visite à Mbuji-Mayi, dans son Kasaï. Ce jour-là, le président de la République avait lancé : “Je m’attaquerai sans hésitation, sans remords à tout Congolais qui mettrait en danger la sécurité et la stabilité de notre pays. Peu importe ce que l’on dira : violation des droits de l’homme, privation de liberté. Je n’ai aucune leçon à recevoir de qui que ce soit”. Des propos qui avaient suscité un torrent de critiques et qui sont considérés aujourd’hui par l’opposition comme le prémice des violences actuelles.

Et ça ne fait que commencer”, prédit un opposant qui énumère les arrestations de ses “collègues” qui ont “simplement eu le malheur de faire entendre une voix dissonante par rapport au régime en place.”

Il pointe ainsi, notamment, les arrestations “entre autres” de Franck Diomi ou de Salomon Kalonda, le principal conseiller de Moïse Katumbi toujours incarcéré dans une prison militaire de Kinshasa depuis près de 50 jours “pour des motifs qui se sont tous dégonflé les uns après les autres”.

C’est le règne de la peur qu’on tente de nous imposer”, explique un membre du FCC qui fustige les milices du parti au pouvoir et l’instrumentalisation de la jeunesse de l’UDPS ; “encore ce samedi 15 juillet quand la police est descendue au siège d’Ensemble pour la République où des jeunes en colère après la mort de Chérubin Okende organisaient une veillée et criaient leur colère contre le régime de Félix Tshisekedi, la police est intervenue et elle était flanquée des jeunes de l’UDPS. C’est inacceptable”.

Tensions communautaires

Ces tensions politiques de plus en plus vives se doublent de dangereuses tensions communautaires. Les Tetela de Kinshasa (communauté de Chérubin Okende) sont particulièrement remontés depuis jeudi contre les Luba, ethnie de Félix Tshisekedi. “C’est dangereux. C’est un vrai mille-feuille de violence qui se prépare à la veille d’un scrutin aux contours de pus en plus incertains”, explique un agent d’une instance internationale présent à Kinshasa.

Et bruit de bottes à l’est

Pour ce témoin de la “dégradation rapide de la situation sociale, communautaire et sécuritaire”, il ne faut “surtout pas perdre de vue la crise majeure qui continue de défigurer l’est du pays. La tension est énorme. La multiplication sur place des armées étrangères, la présence de mercenaires, les multiples mouvements rebelles congolais et l’implication de plus en plus évidente des FDLR au côté de l’armée congolaise (rwandais hutus opposés au régime de Kagame, NdlR), le tout face au M23 soutenu par le Rwanda, fait craindre une prochaine déflagration qui serait terrible entre Kinshasa et Kigali”.

Que pensez-vous de cet article?

Derniers Articles

Journalistes

Dernières Vidéos