Les pays créanciers de la Zambie se sont enfin mis d’accord pour restructurer une partie de sa dette, une annonce symbolique car ce pays avait été le premier en Afrique à faire défaut après l’éclatement de la pandémie et comptait la Chine parmi ses principaux créanciers.
« Aujourd’hui il y a un accord » entre les pays créanciers pour restructurer 6,3 milliards de dollars de dette, a annoncé jeudi une source gouvernementale française en marge d’un sommet international à Paris, où sont présents les principaux prêteurs du pays africain.
Cet Etat du sud de l’Afrique, peuplé de près de 20 millions d’habitants, avait fait défaut sur sa dette en 2020. Et les négociations achoppaient jusqu’ici sur des divergences entre les créanciers occidentaux et chinois.
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Kristalina Georgieva avait déjà félicité en milieu de journée le président zambien Hakainde Hichilema lors d’une intervention au sommet. Elle a salué une restructuration « agile et efficace », évoquant « un grand moment de célébration ».
Emmanuel Macron, organisateur du « Sommet pour un nouveau pacte financier » qui se termine vendredi, a applaudi un accord « historique », jeudi soir sur Twitter, ajoutant: « Nous restons mobilisés pour que d’autres pays confrontés au piège de la dette bénéficient d’une réponse multilatérale ».
La dette totale de la Zambie est évaluée à 32,8 milliards de dollars, dont 18,6 milliards auprès de créanciers étrangers, selon les chiffres de son ministère des Finances à la fin 2022.
– Processus « difficile » entre créanciers –
Sur son compte Twitter, le président zambien Hakainde Hichilema a remercié « les créditeurs officiels pour leur soutien et leur engagement continu », estimant que cet accord était « une étape importante sur le chemin de la reprise économique et de la croissance ».
Le gouvernement « n’a pas encore vu la totalité de l’accord mais pour le moment c’est une bonne chose », a aussi réagi à Lusaka une source proche de la présidence.
« C’est une bonne chose car elle va permettre au gouvernement d’orienter ces ressources vers des domaines sociaux (…) tels que l’éducation gratuite », a aussi dit à l’AFP ce haut responsable qui, n’étant pas habilité à commenter officiellement cet accord, a souhaité rester anonyme.
L’accord annoncé jeudi fait suite à celui qui avait été trouvé en novembre dernier sur la dette du Tchad par les créanciers des pays vulnérables, réunis dans un « cadre commun » sur la restructuration des dettes sous l’égide du G20. Ce processus de négociation est toutefois jugé trop lent depuis sa mise en place car il implique de nombreux membres aux intérêts divergents.
La restructuration de la dette zambienne annoncée jeudi porte sur les prêts bilatéraux, consentis par des Etats, qui sont de 6,3 milliards de dollars, dont 4,1 milliards pour la seule Chine, a indiqué la source gouvernementale française, parlant d’un processus « difficile » entre créanciers.
Les créanciers privés (6,8 milliards de dollars) devront « faire un effort comparable à celui qu’on a fait », a poursuivi la source, évoquant une clause présente dans l’accord annoncé jeudi, qui a été approuvé par Lusaka et le FMI.
Une partie de la dette extérieure zambienne est également détenue par le FMI, la Banque mondiale et les banques multilatérales de développement, et elle ne peut pas être restructurée.
Le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, s’est félicité de l’accord « qui contribuera à débloquer des investissements privés, à rétablir la croissance et à accélérer la création d’emplois en Zambie ».
Dans un an exactement, le pays sera éligible pour recevoir des soutiens financiers sous forme de dons de la part de l’Association internationale de développement (IDA), une branche de la Banque mondiale, précise un communiqué.
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a salué également cet accord, exhortant désormais « tous les créanciers officiels bilatéraux et du secteur privé à finaliser rapidement le processus de restructuration de la dette ».
– 22 pays en danger –
La dette de la Zambie avait explosé sous le règne de l’ex-président Edgar Lungu, critiqué pour avoir contracté des emprunts massifs destinés à financer une frénésie de projets d’infrastructures pendant ses six années de présidence, avant son départ en 2021.
La Zambie est riche en cuivre mais a subi de plein fouet la chute des cours. La moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La dette publique atteignait fin 2022 en Afrique sub-saharienne 56% du PIB, au plus haut depuis le début des années 2000, observe le FMI dans son dernier rapport sur le continent publié en avril.
Les coûts d’emprunt de cette zone sont trois fois plus élevés que ceux des Etats avancés, selon le Fonds, qui évalue à 22 le nombre de pays qui présentent un risque élevé de surendettement ou l’ont déjà atteint.