Entre « devoir citoyen », espoirs de « changement » ou de « surprises »: des centaines de Gabonais se pressent dans les mairies de Libreville, avant la fin des inscriptions sur les listes électorales dimanche, et à moins de trois mois de la présidentielle.
La scène est devenue habituelle depuis plusieurs semaines. Dès l’aube, de longues files d’attentes se forment devant les mairies d’arrondissement de la capitale de ce petit pays d’Afrique centrale, dont l’immense majorité des 2,3 millions d’habitants réside à Libreville.
Le président du Gabon Ali Bongo Ondimba, 64 ans, n’a toujours pas annoncé sa candidature, pour un troisième mandat, à l’élection présidentielle prévue entre fin août et début septembre mais multiplie les déplacements dans le pays ces derniers mois, face à une opposition qui s’avance pour l’heure désunie et compte déjà une quinzaine de prétendants.
M. Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui présidait le Gabon depuis plus de 41 ans. Cela fait donc 55 ans que le pays est dirigé par la famille Bongo et l’opposition dénonce régulièrement un « pouvoir dynastique ».
Ces dernières semaines, les incitations à s’inscrire sur les listes électorales ont fleuri dans les rues de Libreville: « Ne reste pas sans voix », peut-on lire sur l’une des imposantes affiches bleues apposée sur la façade d’un chantier du boulevard du Bord de mer.
C’est la première fois que Gaven Moukouangui votera lors d’une élection. Le jeune homme de 25 ans est arrivé aux premières heures de la matinée jeudi à la mairie du premier arrondissement, dans le quartier Haut de Gué Gué, muni d’une chemise jaune contenant son acte de naissance et surtout armé de patience.
« J’ai dit au travail que je ne viendrais pas aujourd’hui », confie cet ouvrier vêtu d’un tee-shirt noir devant une foule déjà très nombreuse. Participer est une démarche importante pour tous les citoyens parce qu’on s’attend à des surprises », glisse-t-il sans autre précision quant à la nature des « surprises » attendues.
-« Devoir de citoyen »-
A quelques pas, dans la cour intérieure de la mairie, Karelle Ndouve Nang, 37 ans, patiente devant une tente où les premiers arrivés ont pu trouver une place assise. « S’enrôler est un devoir de citoyen », assure cette architecte urbaniste en attendant l’annonce de son nom. « J’ai pris ma demi-journée pour le faire, je suis arrivée à 7H00 (6H00 GMT), et il y avait déjà 150 personnes inscrites avant moi », assure-t-elle.
A quelques kilomètres au sud, plus d’une centaine de personnes ont tenté leur chance à la mairie du 3e arrondissement où les files d’attente s’allongent à vue d’oeil au pied du bâtiment.
« Il manque juste un matelas », ironise Jocelyne Bicheppie Makita en ouvrant les portes de son bureau. La première adjointe au maire d’arrondissement assure que ses équipes croulent sous les demandes d’inscription.
« Nous constatons qu’il y a beaucoup de jeunes, des étudiants en uniforme, la jeunesse s’exprime, et c’est un indicateur positif », se réjouit-elle.
Les opérations de révision des listes électorales qui ont débuté le 9 mai devaient s’achever mercredi mais ont été prolongées jusqu’à dimanche par le ministère de l’Intérieur.
A Nzeng Ayong, quartier populaire du 6e arrondissement dans l’est de Libreville, une forte affluence de personnes de tous âges était visible dès 6H30 (5H30 GMT) jeudi, a constaté un journaliste de l’AFP, et une dizaine de policiers filtraient les entrées dans la mairie.
Dans la foule, Midanga Mouelle, 36 ans, dit être « venue pour le changement ». « On ne veut plus de l’ancien régime parce que c’est toujours les mêmes choses : on nous promet, on nous promet, et ça ne se réalise jamais », assure-t-elle.
Plus loin, Djelecssie Ntsame, 24 ans, indique « qu’à défaut d’avoir une véritable opposition, je voterais pour le régime en place ».
Les élections présidentielle et législatives sont prévues entre fin août et début septembre au Gabon, mais les dates précises et officielles des scrutins n’ont pour l’heure pas été communiquées.