Deux poids, deux mesures, le Zimbabwe sous sanctions occidentales

Deux poids, deux mesures, le Zimbabwe sous sanctions occidentales

Opinion par Max-Olivier Cahen

L’année électorale 2023 qui se profile en Afrique est porteuse d’espoirs pour les populations mais également de violences et de contestations au vu du contexte international.

Sept élections présidentielles dont 6 couplées aux législatives doivent avoir lieu sur le continent africain. Pour le Nigeria, elles se sont tenues le 25 février dernier, le Sierra Leone suivra en juin, le Zimbabwe et le Gabon en août, le Liberia en octobre, Madagascar pour les seules présidentielles en novembre et la République démocratique du Congo en décembre.

Ces élections se déroulent dans un contexte rempli de défis consécutifs à la crise du Covid 19, au ralentissement de l’économie mondiale et bien entendu à la guerre russo-ukrainienne. Il est clair que les populations espèrent une meilleure gouvernance, des élections aussi légales et impartiales que possible, moins de répression et de violences, plus de liberté et une amélioration notoire de leur sécurité tant au niveau physique qu’au niveau alimentaire avec un pouvoir d’achat amélioré.

La plupart des manifestations en Afrique de ces derniers mois mettent en exergue ces revendications. La manifestation de l’opposition congolaise, le samedi 20 mai à Kinshasa, réprimée dans la violence et le sang par les foces de l’orrde et les milices du régime Tshisekedi, ne revendiquait pas autre chose.

Dans cet environnement, la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales à l’encontre de la Russie ont relancé ce que l’on appelait au 19ème siècle «  the scramble for Africa », le partage de l’Afrique en nouvelles zones d’influence, sur lequel l’historien Thomas Pakenham a écrit le livre de référence.

Il est vrai que depuis 20 ans, la Russie avance ses pions en Afrique en menant une politique de protection et de soutien aux régimes dictatoriaux afin qu’ils puissent exercer leur répression sans limite et se maintenir au pouvoir.

Cette politique, couplée à des campagnes de désinformation prônant l’Afrique aux Africains et dénonçant la France et les Occidentaux comme des puissances toujours coloniales qui souhaitent asservir les peuples africains, a littéralement fait « exploser » le paysage géopolitique du continent et ce principalement aux dépens de Paris qui a vu, un à un, certains de ses partenaires africains historiques rentrer dans le giron russe et particulièrement celui de la milice Wagner.

Si nombre de pays africains prônent dans les arènes internationales une neutralité, souvent de façade, comme l’Afrique de Sud, refusant de condamner la Russie pour l’invasion de l’Ukraine, d’autres ont décidé de vendre leur pays aux mercenaires de Prigojine. La République Centrafricaine, pionnière en la matière, totalement mise sous coupe réglée par Wagner sert de rampe de lancement de l’influence russe dans toute la sous-région tandis le Mali du putschiste Assimi Goïta leur a donné carte blanche et que le Burkina Faso est en train de prendre le même chemin.

Wagner est également présent au Soudan et en Libye, s’installe dans l’Est du Congo malgré les dénégations de Tshisekedi et planifie un retour au Mozambique malgré sa défaite en 2020 face aux djihadistes de Ansar al-Sunna au Cabo Delgado avec pour seul et unique objectif l’exploitation totale des ressources minières et autres des pays en question.

La fin justifie les moyens, pillage, viols, massacres et autres exactions sont le quotidien des populations qui subissent le joug des mercenaires russes, sans oublier leur appauvrissement par des razzias quotidiennes.

Ces mêmes pays africains, que ce soient ceux critiquant la politique occidentale ou ceux plus enclins à la soutenir et se présentant comme des démocraties se plaignent régulièrement des ingérences occidentales dans le domaine des droits de l’homme en particulier. Force est de constater que ces pays où les droits de l’homme, la liberté d’expression et le droit à manifester sont régulièrement violés et bafoués, en période électorale ou non, subissent peu ou pas du tout des sanctions occidentales.

Les exemples de pays réprimant sans subir le moindre retour de bâton sont légions ! Depuis fin 2022, plusieurs journalistes et activistes ont été assassinés ou arrêtés. Que ce soit au Cameroun, au Rwanda, au Eswatini, au Kenya et en République démocratique du Congo, sans parler du Sénégal qui connaît une montée des tensions politiques avec l’élection Présidentielle qui se profile en février 2024.

En effet, le Président Macky Sall et ses proches sont responsables de l’atmosphère politique délétère et des violentes manifestations de ces dernières semaines, du fait de leur volonté d’empêcher l’opposant N°1 Ousmane Sonko de se présenter à l’élection présidentielle. Tous les moyens sont bons pour le pouvoir sénégalais, faux procès, verdicts et réquisitoires biaisés, intimidations et violences physiques.

Cependant, l’exemple le plus flagrant des régimes répressifs qui bénéficient de « la mansuétude » occidentale est celui du Burundi où les violations des droits de l’homme sont pléthores, ce qui en fait un pays socialement, économiquement et sécuritairement au bord de l’abîme. Malgré cette situation, en novembre 2021, les États-Unis, suite à l’attribution d’un contrat concernant les terres rares burundaises à une société proche du gouvernement américain, ont levé l’Etat d’urgence sur le Burundi et les sanctions ciblant des personnalités. Dans la foulée, sous pression américaine, l’Union européenne a levé toutes ses sanctions en février 2022.

Dès lors, on ne peut que s’interroger sur cette politique de deux poids deux mesures. Elle ne s’applique manifestement qu’au seul Zimbabwe et ce sont les politiques des États-Unis et de la Grande Bretagne qui sont à la manœuvre alors qu’une majorité d’Etats demandent la levée des sanctions.

De ce fait, en octobre 2021, Alena Douhan, rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDHNU) prônait dans son rapport la levée immédiate des sanctions contre le Zimbabwe.

Embrayant le pas, en février 2022, l’Union européenne levait les dernières sanctions contre le Zimbabwe, tout en maintenant l’embargo sur les armes. Les dirigeants européens ayant enfin pris conscience du rôle moteur du Zimbabwe dans la sous-région au niveau des échanges économiques et du développement mais également comme facteur stabilisateur face à la montée de l’intégrisme islamique et du djihadisme en Afrique australe.

Cette nouvelle approche politique visant à renforcer les liens entre l’UE et le Zimbabwe s’est concrétisée par l’arrivée en septembre 2022 de Jobst Von Kirchman nouveau représentant de l’UE à Harare. Depuis son arrivée, il multiplie les projets économiques, financiers, culturels et sociaux tout en soulignant la nécessité de poursuivre les réformes politiques et démocratiques. Prouvant qu’à travers un dialogue politique constructif, les sanctions ne sont plus nécessaires.

S’il est vrai que la démocratie au Zimbabwe n’est pas parfaite, elle donne et continue de donner plus de gages de progrès et d’avancées que les pseudos démocraties telles que le régime de Sassou Nguesso en République du Congo et la dictature en devenir de Félix Tshisekedi (RDC), dont les États-Unis acceptent la légitimité.

Pour preuve, les élections législatives et municipales partielles au Zimbabwe du 26 mars 2022 ont reçu un blanc-seing pour leur régularité par 11 missions d’observations dont celles des États-Unis et de la Grande Bretagne.

De même, si certains tribunaux zimbabwéens peuvent donner l’impression d’agir sur les ordres du gouvernement, la dernière décision de la Haute Cour de justice d’Harare acquittant la grande romancière Tsitsi Dangarembga des accusations d’incitation à la violence, démontrent que le système judiciaire Zimbabwéen est plus démocratique et plus indépendant que la plupart de ses homologues africains .

Dans le domaine économique, il est vrai que l’inflation est une des plus élevées au monde mais les réformes lancées par le Président Mnangagwa rencontrent de réels succès. Le Zimbabwe est pour la première fois de son histoire autonome au niveau de la production de blé ainsi que d’autres céréales et peut assurer sa sécurité alimentaire. La politique de grands travaux et d’infrastructures est une réalité et le développement du secteur minier permettra d’atteindre l’objectif de générer plus de 12 milliards de dollars de revenus en 2023.

Au niveau africain et international le Président Mnangagwa est considéré comme un sage par ses pairs. Le soutien affiché par ceux-ci à la dernière Assemblée Générale des Nations-Unies demandant la levée des sanctions contre le Zimbabwe démontre à quel point ils souhaitent qu’il puisse jouer son rôle d’État stabilisateur pour l’ensemble de la sous-région.

Depuis le début de l’insurrection islamiste au Cabo Delgado au Mozambique, il y a 5 ans, le Président Mnangagwa est à la pointe du combat contre l’islamisme intégriste, n’hésitant pas à souligner que l’installation d’un Califat en Afrique australe ou en Afrique de l’Est ne relève pas d’une vue de l’esprit.

A ce jour, l’ONU ainsi que d’ autres experts, du fait d’une baisse des attaques djihadistes ces deux derniers mois, clament que l’insurrection islamiste est en voie de dilution et que le Cabo Delgado sera bientôt pacifié. Rien n’est plus faux ! Selon les experts de l’observatoire Mozambicain Cabo Ligado, l’insurrection reste extrêmement dangereuse, bien organisée et structurée.

Cette analyse est confirmée par la résurgence de la violence depuis mi-mai du côté du district de Muidumbe et le retour des insurgés dans les districts de Meluco et de Nangade, ainsi que par la sophistication récente des EEI (engins explosif improvisés). Une évolution qui tend à démontrer une intervention ou aide technique extérieure.

Ansar al-Sunna dispose, actuellement, de larges quantités de cash de manière régulière et ses combattants circulent pratiquement librement dans certains districts comme celui de Macomia, malgré la présence du corps expéditionnaire rwandais. Ils appliquent une nouvelle politique auprès des populations locales décrite par une des meilleures analystes de la région par le terme «hearts and mind » , littéralement « les cœurs et la tête» . Au lieu de s’attaquer aux populations locales, ils les rassurent, font du troc avec elles, proposent d’acheter leurs vivres et offrent de l’argent aux personnes âgées.

Une intervention des Forces Armées Zimbabwéennes au Cabo Delgado, en raison de leur connaissance du terrain et de leur expertise militaire, pour combattre les djihadistes de Ansar al-Sunna demeure pour le Mozambique comme pour l’ensemble des pays de la SADC (South Africa Development community) une priorité. Les forces rwandaises ne protègent que les intérêts du groupe Total et les troupes hétéroclites de la SAMIM (Corps expéditionnaire de la SADC) sont incapables de réduire l’insurrection.

Ces enjeux essentiels pour l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est, le gouvernement américain semble ne pas en tenir compte. Les sanctions américaines s’appuient sur l’activisme de certaines ONG et des lobbys anglais. Leur but est de renverser le Président Mnangagwa pour imposer leur candidat en lorgnant vers les terres rares et les réserves de lithium, parmi les plus importantes au monde. Les Américains reprochent au Président Mnangagwa de céder des pans entiers de son économie à la Chine. Pourtant, c’est ce que font nombre d’États africains , comme la RDC sous l’impulsion de Tshisekedi sans aucun retour de flammes.

Le Président Mnangagwa souhaite garantir des élections dans le respect des règles démocratiques et sans violence à l’instar des partielles de mars 2022. Le gouvernement américain dit craindre des violences, mais en fait joue le rôle de l’agent provocateur . En s’arc-boutant sur une politique de sanctions lourdes, de déstabilisation et par leur soutien à une opposition dont le seul titre de « gloire » est d’avoir ruiné la capitale Harare par leur mauvaise gestion , les États-Unis souhaitent pousser le gouvernement zimbabwéen à la faute.

Le président Mnangagwa, «le crocodile», lui, n’en a cure et entend bien obtenir un second mandat et terminer son programme qu’il décrit par son « Building Zimbabwe brick upon brick »

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