Baloji présente son film « Augure » à Cannes: carnet d’un retour envoûté au Congo natal

Baloji présente son film « Augure » à Cannes: carnet d’un retour envoûté au Congo natal

Le premier long métrage de Baloji est présenté en section Un certain regard au Festival de Cannes, une grande première pour le Congo. Un film aux allures de conte cruel sur le difficile retour d’un jeune homme, né en RDC, marqué par les accusations de sorcellerie.

Koffi (Marc Zinga) est prêt à tout pour que son voyage au Congo soit une réussite. Il a sacrifié sa coupe Afro, élaborée avec soin depuis trois longues années, il s’est remis au Swahili pour pouvoir mieux communiquer avec sa famille et a soigneusement mis de côté l’argent de la dot. Lors de son voyage, il va en effet présenter à sa famille Alice (Lucie Debay), sa compagne enceinte de jumeaux. Une nouvelle qui pourrait avoir des allures de bénédiction si la relation entre Koffi et ses parents n’était pas aussi épineuse. Le retour aux sources tient du voyage initiatique, tant pour Alice que pour Koffi qui n’est visiblement pas encore débarrassé du péché originel qu’on lui demande de laver. Son état de santé annonce un voyage qui ne sera pas de tout repos.

Dès la descente de l’avion commence le chassé-croisé des rendez-vous ratés, avec sa sœur Tshala (Eliane Umuhire), tout d’abord et avec son père, éternel absent jusque sur sa messagerie saturée. Une joyeuse sarabande de retards et d’imprévus qu’Alice et Koffi prennent avec sourire et philosophie. Après toutes ces années passées en Europe, l’hostilité de sa mère (Yves-Marina Gnahoua) et de son clan à son égard est à peine voilée. Le dîner de retrouvailles est brusquement interrompu lorsque Koffi se met à saigner du nez. Il n’en faut pas plus pour que le soupçon de mauvais sort soit réactivé et démultiplié.

Sorcellerie et boucs émissaires

Avec cette tache sur la joue qui, dès la naissance, l’a désigné comme sorcier, Marc Zinga est le parfait alter ego de Baloji, épousant formidablement les défis et la quête du cinéaste belgo-congolais. En suivant le retour au pays de Koffi, c’est en partie sa propre histoire que le réalisateur ausculte et dépiaute tout en reflétant la violence, le chaos mais aussi l’incroyable vitalité de la société congolaise, saisie à travers des tableaux à l’enivrante beauté plastique.

Pour ceux qui connaissent déjà l’univers de l’artiste, né à Lubumbashi en 1978, le thème de ce long métrage n’est pas une surprise tant il s’inscrit sur le fil (rouge) de sa création musicale et visuelle depuis le début de son parcours solo en 2008 avec Hôtel Impala. Avec son premier long métrage Augure, le créateur fait le lien avec cette enfance chaotique et douloureuse dont les sonorités baignaient déjà son formidable album 137 avenue Kaniama (2018). Son long métrage, nourri d’un imaginaire fertile et menaçant, est hanté par les réminiscences d’une enfance pleine de trous, de silences et de manques.

Un style, musical et visuel, foisonnant

On reconnaît la signature de Baloji dès l’entrée en lice des bandes rivales de jeunes catcheurs et jeunes shegués (enfants des rues à Kinshasa) qui se battent pour la conquête de leur territoire. Un style visuel foisonnant qui fait la singularité du créateur aussi à l’aise dans la composition, le rap, le graphisme ou la création de clips et, aujourd’hui, la mise en scène de longs métrages.

Un talent visionnaire déjà perceptible dans ses précédents courts métrages: Bleu de nuit (2018) et Zombies (2019). Et un foisonnement étonnant qui mêle l’afro beat, l’opéra et le soukous entre autres, mais aussi les incantations flippantes des églises de réveil, toujours prêtes à désigner des sorciers au sein de familles superstitieuses et fragilisées.

Avec son film Augure, Baloji capture les reflets d’une partie du Congo précaire et prête à inventer de nouveaux rites pour affronter un quotidien hérissé d’épreuves et de désillusions. Un pays où l’Europe n’incarne plus la terre promise en comparaison avec l’appel de l’Afrique du Sud ou de la Zambie. Une terre où, parfois, la beauté insolente côtoie la violence et la peur sur un lit de détritus.

Karin Tshidimba

nb: Le film sortira en salles à l’automne, tout comme l’album du même nom, présentant les points de vue des 4 personnages principaux. Baloji sera aussi en concert à Bruxelles le 19/03/2024 à l’AB et le 22/03/2024 à Paris à la Gaîté Lyrique.

Que pensez-vous de cet article?

Derniers Articles

Journalistes

Dernières Vidéos