Il y a deux volets dans le travail entrepris par Dorcy Rugamba avec le soutien d’Africalia : le livre, dont la traduction est terminée, et sa propagation au Rwanda sous différentes formes. “C’est le premier livre traduit en kinyarwanda après la Bible”, souligne fièrement Dorcy Rugamba, auteur et éditeur, qui précise : “On veut développer ce travail d’édition à Kigali.”
Entretien par Karin Tshidimba
La traduction de “Petit pays” a été réalisée par un jeune écrivain et journaliste rwandais, Olivier Bahizi. “Nous voulions qu’il puisse trouver le kinyarwanda de la ville : une langue moderne, plus urbaine, plus proche du slam. Le résultat a été relu par un aîné et un jeune : ils ont tous les deux apporté des corrections intéressantes.”
Maintenant que le texte est prêt, le projet est de le sortir sous trois formats : “le livre papier qui va être distribué dans les écoles publiques et privées (un livre par école); le livre numérique, pour la diaspora qui souhaite avoir du matériel pour l’apprentissage de la langue; et un livre audio qui permet de toucher même les couches analphabètes de la population”. Il sera notamment diffusé sous forme de feuilleton, chapitre par chapitre, en partenariat avec la radio nationale. Un mode de diffusion très populaire au Rwanda où certains feuilletons radiophoniques font un tabac, non seulement au pays mais aussi au sein de la diaspora, via les podcasts et internet.
Soutenir la lecture et le livre au Rwanda
“En marge de cela, nous avons prévu de tourner avec une forme scénique, avec extraits et musique. Il y aura d’autres récitants si Gaël est absent. Et on a prévu un dossier pédagogique pour les enseignants. Nos partenaires sont Africalia, qui a soutenu la traduction et la parution du livre, et le CEC (Coopération Education Culture), qui soutient la rédaction du dossier pédagogique, en français et bientôt en kinyarwanda.” Dossier qui pourra également être distribué en Belgique.
“Notre volonté est de vulgariser la littérature parce que le Rwanda est en retard sur le plan de la lecture, par rapport à d’autres pays africains. Le livre est cher et il n’y a qu’une librairie à Kigali. Il y a quelques bons livres jeunesse, mais c’est tout. Les gens lisent très peu, même par rapport au Congo-Brazzaville, par exemple. On souhaite poursuivre cette initiative.” Le projet est soutenu par une maison d’édition suisse : les Editions d’En bas, à Lausanne.
Dorcy Rugamba, à la tête de “Rwanda Arts Initiative”, confie sa volonté de créer une revue littéraire avec le même éditeur. “Ce serait une première étape. Grasset nous a accordé les droits de ‘Petit pays’ pour un euro symbolique et nous autorise à produire les trois formats. Africalia va nous aider dans la diffusion car même 20 euros pour un enseignant, cela reste très cher. Le livre sera tiré à 2 000 exemplaires : quelques exemplaires seront déposés à la bibliothèque et à la grande librairie. On va surtout vendre l’édition numérique.”
Le projet a reçu le soutien de l’Etat via la WDA (Work Force Development Authority) qui gère 300 établissements : “Ils accompagnent la diffusion scénique et le livre”.
Et, pourquoi pas, susciter des vocations…
“On a déjà fait cette campagne sur le livre en français, dans les écoles de Kigali, précise Dorcy Rugamba. Aujourd’hui, on vise l’arrière-pays et les 5 provinces via quelques écoles pilotes. Nous incitons le gouvernement et le ministère de l’Education à soutenir l’opération et à éventuellement la répéter pour d’autres livres. On pourra commencer la distribution début 2018, et faire des soirées littéraires et musicales à Kigali, à Bruxelles et aussi au Canada. On pourrait aussi le traduire en swahili et toucher ainsi 7 pays depuis l’Est du Congo jusqu’à l’Océan indien. Et, qui sait, peut-être susciter d’autres vocations…” espère un éditeur, et futur rédacteur-en-chef d’une revue littéraire, optimiste.