Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’entretiendra mercredi à Addis Abeba avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, pour commencer à renouer des liens historiques entre les deux pays, distendus par deux ans de conflit brutal et meurtrier dans le nord de l’Ethiopie.
Le chef de la diplomatie américaine rencontrera auparavant dans la matinée son homologue éthiopien, le vice-Premier ministre Demeke Mekonnen, puis jeudi Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine (UA), organisation dont le siège est dans la capitale éthiopienne.
Blinken est le plus haut responsable américain à visiter l’Ethiopie depuis novembre 2020 et le début de la guerre entre gouvernement fédéral et autorités rebelles du Tigré, à laquelle un accord de paix signé le 2 novembre à Pretoria, enAfriquedu Sud, a mis fin.
Prix Nobel de la paix en 2019 pour avoir mis fin à vingt ans de guerre ouverte ou larvée avec l’Erythrée voisine, M. Abiy est passé de symbole d’une nouvelle génération de dirigeants africains modernes à quasi-paria aux yeux de Washington, depuis le conflit dans le nord de son pays.
Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l’armée fédérale au Tigré, accusant les autorités régionales qui contestaient son pouvoir depuis plusieurs mois d’y avoir attaqué des bases militaires.
– « Briser le cycle de violences » –
Le Tigré était alors dirigé par le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti ayant gouverné de fait l’Ethiopie de 1991 à 2018, avant d’être progressivement marginalisé par M. Abiy, arrivé au pouvoir cette année-là après plus de deux ans de contestation populaire.
Le conflit a débordé dans les régions voisines de l’Amhara et de l’Afar, dont les forces ont soutenu l’armée fédérale, laquelle a également reçu l’appui de l’armée de l’Erythrée, ennemie historique du TPLF.
Si l’accord de Pretoria a été négocié et signé sous les auspices de l’Union africaine (UA), Washington a joué un rôle crucial auprès des belligérants, soulignent des sources diplomatiques.
La visite de M. Blinken vise « à consolider cette paix », mais les relations américano-éthiopiennes ne sont pas encore prêtes à « revenir à la normale », a averti Molly Phee, secrétaire d’Etat adjointe chargée de l’Afrique.
Le gouvernement éthiopien doit prendre des mesures « permettant de briser le cycle de violences ethnico-politiques » qui minent le pays, s’il veut remettre sa relation avec Washington « dans l’avancée ».
– Offensive diplomatique russe –
Le bilan exact est difficile à évaluer mais les Etats-Unis estiment que quelque 500.000 personnes ont péri en deux ans de conflit au Tigré, plus que depuis l’invasion russe de l’Ukraine qui monopolise l’attention médiatique.
Si les combats ont cessé au Tigré – dont l’accès est toujours interdit à la presse – d’autres régions éthiopiennes restent le théâtre de conflits sanglants, souvent liés au réveil, sous le gouvernement de M. Abiy, de revendications identitaires et foncières.
Au cours de leurs discussions avec M. Blinken, les dirigeants éthiopiens devraient plaider pour le retour de l’Ethiopie parmi les bénéficiaires de l’Agoa, initiative américaine qui exempte certains pays africains de taxes sur leurs exportations et dont elle est exclue depuis janvier 2022.
La visite de M. Blinken, qui se rendra ensuite au Niger, intervient également sur fond d’efforts du président Joe Biden pour contrer les influences croissantes sur le continent de la Chine et – plus récemment – de la Russie.
Moscou mène actuellement une intense offensive diplomatique en Afrique, et notamment en Ethiopie, pour s’attirer le soutien des pays du continent et les convaincre de ne pas appuyer les efforts de sanctions occidentales.
La Chine, elle, continue d’asseoir son influence en Afrique via des relations essentiellement d’affaires, sans pression sur le respect des droits humains.