L’Inspection générale des finances (IGF) de la République démocratique du Congo (RDC) a, dans un rapport immédiatement contesté par Pékin, dénoncé le caractère déséquilibré du « contrat chinois » signé en 2007 par lequel la Chine s’engageait, en échange de l’exploitation de richesses minières, à construire des infrastructures dont le pays a fortement besoin. La partie chinoise s’était engagée en 2007, via un groupement d’entreprises chinoises (GEC), à construire 3.500 km de routes, autant de kilomètres de chemins de fer, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé. Le tout pour une valeur estimée à 6,5 milliards de dollars et en échange de concessions minières en RDC et de prêts à l’État congolais. L’accord a dû être renégocié en 2008 pour offrir des termes plus avantageux à la RDC, après avoir été dénoncé comme « léonin » par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. La Chine est toutefois devenue le premier destinataire des exportations minières congolaises.
Dans un rapport publié jeudi, l’IGF met en évidence d’Importants décaissements effectués en faveur des entreprises chinoises établies en RDC, mais de très faibles investissements en infrastructures au profit du pays.
L’IGF, le gendarme des finances publiques congolaises, a ainsi relevé plusieurs cas de déséquilibre dans cet accord qualifié de « contrat du siècle ». Elle note par exemple ce qu’elle considère comme une »modicité des investissements des infrastructures ».
La Sicomines (Société sino-congolaise des mines), la coentreprise rassemblant la société minière publique congolaise Gécamines, et, pour 68% du capital, les firmes Sinohydro Corp et China Railway Group, a, selon le rapport, mobilisé en 14 ans des financements d’un montant total de 4,471 milliards de dollars et n’a consacré que 822 millions de dollars au financement de travaux d’infrastructures, soit 18,38% du financement total mobilisé.
L’IGF estime qu’il n’y a eu « aucun suivi sérieux des investissements à charge des partenaires chinois et des revenus générés par l’entreprise commune Sicomines ».
Dans le cadre de l’accord Sicomines, les investisseurs chinois se sont engagés à dépenser trois milliards de dollars dans des projets d’infrastructures. Mais l’IGF réclame désormais de la Chine 17 milliards de dollars d’investissements supplémentaires pour rééquilibrer cet accord conclu lorsque l’ancien président Joseph Kabila Kanbange était au pouvoir (de 2001 à 2019), mais que son successeur, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, souhaite renégocier depuis mai 2021.
L’IGF, citée par la presse kinoise, note aussi qu’aucune évaluation des gisements miniers apportés par la Gecamines n’a été faite.
Dans un communiqué reçu à Bruxelles, la Sicomines a quant à elle contesté la « compétence » de l’IGF, la procédure suivie et le contenu des documents utilisés par cette administration dirigée par l’inspecteur général Jules Alingete.
La co-entreprise sino-congolaise, dont le siège est installé dans la ville minière de Kolwezi, le chef-lieu de la province de Lualaba (sud-est de la RDC), promet d’évaluer ‘la suite qu’il convient d’y donner afin de défendre ses droits’ et rappelle que ‘la RDC est un État de droit où le droit de la défense est consacré et garanti par la Constitution ».
L’ambassade de Chine à Kinshasa a pour sa part affirmé avoir « appris avec stupéfaction » la publication du rapport de l’IGF), selon le média en ligne Actualité.cd.
L’ambassade a ajouté, par la voix de son porte-parole, avoir « le regret de constater que le rapport, dont le contenu est plein de préjugés, ne correspond pas à la réalité, ne peut pas être considéré comme crédible et n’a pas de valeur constructive ».
Le contrat sino-congolais « constitue un bel exemple du partenariat gagnant-gagnant » et cela est « un fait indéniable », a poursuivi l’ambassade, assurant que « de nombreuses réalisations palpables prouvent que la partie congolaise a bénéficié effectivement de cette coopération ».
L’ambassade a précisé la position du gouvernement de Pékin en deux phrases: d’abord la Chine « encourage les entreprises chinoises à travailler avec leur partenaire congolais pour améliorer la coopération en la faisant bénéficier davantage à la partie congolaise, et résoudre les désaccords à travers le dialogue amical et raisonnable ». Et ensuite, la Chine « va défendre fermement les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises et riposter résolument à toute violation des droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises », a souligné son porte-parole.
Le sous-sol congolais regorge de minerais, la RDC étant le premier producteur mondial de cobalt – un minerai essentiel pour les batteries, crucial pour la transition écologique du monde, et.dont le pays possède les plus grandes réserves au monde – et le premier producteur africain de cuivre. Le pays dispose également de réserves de lithium, de coltan et de nickel. La majorité de la population congolaise vit toutefois en moyenne avec 1,25 dollar par jour.