Le Parlement européen s’en prend au Maroc, demandant le respect de la liberté de la presse

Le Parlement européen s’en prend au Maroc, demandant le respect de la liberté de la presse

Les eurodéputés se sont inquiétés jeudi de la situation des journalistes au Maroc, dans une résolution particulièrement symbolique après les révélations médiatiques de possibles ingérences du royaume dans les décisions européennes. À une large majorité (356 votes pour, 32 contre, 42 abstentions), les élus ont tenu à envoyer aux autorités marocaines le signal qu’il faut qu’elles cessent le « harcèlement » de journalistes et assurent à ceux qui sont emprisonnés un procès équitable. Le Parlement s’inquiète particulièrement du sort d’Omar Radi, journaliste ayant couvert des manifestations d’opposants au régime et des scandales de corruption liés à l’État marocain. Il a été condamné l’an dernier à 6 ans de détention, pour viol et pour espionnage.

Mais Omar Radi « n’est pas un cas isolé », souligne Kathleen Van Brempt (Vooruit, S&D). « Il fait partie de toute une liste de condamnations basées sur des motivations politiques, qui visent les activistes des droits de l’homme, les journalistes et des dirigeants du Hirak, mouvement contestataire du Rif ».

Le texte met globalement le doigt sur les manques en termes de respect de la liberté de la presse et des droits des opposants et manifestants pacifiques.

Il était porté par un mélange étonnant de groupes politiques, avec les socialistes (S&D), les libéraux (Renew), les écologistes (Verts/ALE), mais aussi les conservateurs eurosceptiques (CRE) et la gauche radicale (La Gauche). Le premier groupe de l’assemblée, la droite conservatrice et démocrate-chrétienne du PPE, n’était pas impliqué dans le texte, ce qui n’a pas empêché plusieurs de ses membres, dont les Belges Benoît Lutgen (Les Engagés) et Pascal Arimont (CSP), de voter en faveur de la résolution. À l’inverse, l’intégralité de la délégation socialiste espagnole présente, à l’exception notable de la présidente du S&D Iratxe Garcia Perez, s’est désolidarisée de sa famille politique pour voter contre le texte. De quoi illustrer encore la délicatesse de la question, quand il s’agit de critiquer un partenaire aussi proche.

« Pour la première fois depuis des décennies, le Parlement européen débat au sujet des violations des droits de l’homme au Maroc », avait observé mercredi soir en ouverture des débats le Néerlandais Thijs Reuten (Partij van de Arbeid, S&D), qui fait partie des auteurs de la résolution. Le « Qatargate », que certains qualifient également de « Marocgate », n’était jamais bien loin dans les prises de parole, alors que le scandale a entrainé une attention accrue portée aux actions de lobbying d’États tiers. « Des représentants des autorités marocaines étaient même régulièrement au Parlement ces derniers jours, sans honte, en plein milieu d’un scandale de corruption », s’est offusqué Thijs Reuten, estimant la situation extrêmement « bizarre ».

La résolution d’urgence fait elle-même référence aux allégations de corruption ou d’ingérence, le Parlement se disant déterminé à enquêter et à prendre les mesures nécessaires. Un amendement est passé, qui demande « l’application des mêmes mesures que celles appliquées aux représentants du Qatar ». À la mi-décembre, le Parlement avait plaidé pour qu’on suspende tous les titres d’accès à ses bâtiments aux représentants d’intérêts qatariens, le temps d’éclaircir l’affaire.

Reporters Sans Frontières a salué jeudi une décision « historique ». « Après 25 ans de passivité », ajoute l’organisation. « Avec cette résolution, le Parlement européen met fin à une fâcheuse tendance qui consiste à exempter le Maroc de toute remarque sur les atteintes à la liberté de la presse et aux droits humains. Mieux vaut tard que jamais. Trois journalistes sont actuellement arbitrairement emprisonnés au Maroc et attendent de pouvoir bénéficier d’un procès équitable et de ne plus être harcelés judiciairement », indique via communiqué le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Au-delà d’Omar Radi, cas emblématique de la répression selon RSF, Taoufik Bouachrine (condamné à 15 ans ferme) et Souleiman Raissouni (à 5 ans) sont cités, « deux autres victimes de l’instrumentalisation d’affaires de mœurs ».

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