L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a dénoncé mercredi la condamnation d’un opposant politique rwandais pour avoir prétendument terni l’image du pays comme étant un « exemple de l’utilisation abusive de longue date du système judiciaire pour étouffer la liberté d’expression et d’association ». La chambre de la Haute Cour de Rwamagana a condamné le 16 décembre dernier Théophile Ntirutwa, membre du parti d’opposition non enregistré Dalfa-Umurinzi, à sept ans de prison pour avoir répandu « des informations fausses ou des propagandes nuisibles avec l’intention de provoquer une opinion internationale hostile à l’État rwandais ».
HRW a souligné dans un communiqué que cette infraction pénale est incompatible avec les obligations régionales et internationales du Rwanda en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression.
« La condamnation d’un énième opposant politique pour avoir prétendument cherché à susciter l’hostilité contre le Rwanda témoigne du prix élevé à payer lorsqu’on s’implique dans la politique au Rwanda », a déclaré le directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch, Lewis Mudge. « C’est d’autant plus surprenant que le Rwanda préside actuellement le Commonwealth, qui se présente comme un champion de l’état de droit et de la bonne gouvernance », a-t-il ajouté, cité par le communiqué.
M. Ntirutwa a été arrêté le 11 mai 2020 à la suite d’un violent incident dans sa boutique située dans le district de Rwamagana (est du Rwanda), au cours duquel un homme a été poignardé à mort. Le 18 mai, M. Ntirutwa et trois autres personnes qui se trouvaient dans son magasin au moment de l’incident ont été accusés de formation d’une association criminelle, meurtre, vol et, dans le cas de M. Ntirutwa, d’incitation au soulèvement et de « répandre des informations fausses ou des propagandes nuisibles avec l’intention de provoquer une opinion internationale hostile à l’État rwandais ».
M. Ntirutwa et ses trois co-accusés ont passé plus de deux ans et demi en détention provisoire.
Le 16 décembre dernier, l’opposant été acquitté de tous les chefs d’accusation, à l’exception de la diffusion de fausses informations dans l’intention de créer une opinion hostile à l’égard du Rwanda à l’étranger.
M. Ntirutwa a été condamné sur la base d’appels téléphoniques qu’il a passés à la dirigeante de son parti, Victoire Ingabire, et à un journaliste, durant lesquels il a déclaré que l’incident était une tentative d’assassinat menée par des policiers et des militaires armés contre lui. Selon Théophile Ntirutwa, l’homme décédé dans le magasin, Théoneste Bapfakurera, a été confondu avec lui en raison de la similitude de leurs prénoms. Les trois co-accusés de Théophile Ntirutwa, Frodouard Hakizimana, Francine Mukantwari et Jean Bosco Rudasingwa, ont été acquittés.
« Même si ses allégations étaient fausses, sa condamnation et sa lourde peine violent le droit relatif aux droits humains », a déclaré HRW.
« Partager de fausses informations ne constitue pas en soi un motif légitime pour criminaliser la liberté d’expression. Le gouvernement rwandais utilise régulièrement cette disposition du Code pénal pour poursuivre les membres de l’opposition, les critiques, et même les réfugiés qui ont manifesté contre les réductions de rations alimentaires. Le Rwanda devrait immédiatement abroger cette disposition et réviser le Code pénal conformément aux normes internationales et régionales en matière de droits humains », souligne le communiqué.