Le pays connaît des délestages permanents depuis plusieurs semaines.
C’est tout le pays qui tente d’apprendre à vivre avec ces coupures d’électricité à répétition. “Certains jours, en cumulant des délestages successifs, on a passé près de dix heures sans électricité. C’est invivable”, reprend Titus, excédée, qui pointe un doigt accusateur en direction d’Eskom, l’entreprise publique d’électricité, qui ne fournit, selon les chiffres officiels, que “la moitié de sa capacité de production énergétique”.
“Évidemment, cette situation a un impact sur notre quotidien domestique mais aussi professionnel”, poursuit celle qui gère un petit salon de thé sur une avenue fréquentée de Sandton, dans le nord de Johannesbourg. “On fait tourner des générateurs, mais cela à un coût car ces machines fonctionnent avec du diesel. Heureusement, ici, les prix des carburants ne flambent pas comme en Europe mais ça représente une hausse de la facture énergétique d’au moins 30 %”.
Toute l’économie sud-africaine subit cette crise de plein fouet. Du coup, le PIB du pays s’est contracté de 0,7 % au second semestre de cette année et beaucoup de spécialistes annoncent que cette baisse ira en s’accentuant dans les prochains mois. “Évidemment, le monde entier traverse une crise économique mais en Afrique du Sud, l’essentiel du ralentissement est dû aux délestages”, estime John Christians, enseignant en économie.
Les mines en crise
M. Christians, comme plusieurs spécialistes, souligne les conséquences “dévastatrices” des coupures de courant sur la production du secteur minier, métronome de l’économie sud-africaine dont la production a baissé de 3,5 % au dernier trimestre par rapport à la même époque l’année passée. Et tous insistent sur le fait que la situation devrait encore se dégrader au troisième trimestre.
Dans certaines entreprises, de nouveaux horaires “plus souples”, pour tenter de “gérer” ces absences d’électricité, ont parfois été mis sur pied. “Mais cela implique des heures supplémentaires et donc plus de charges pour des industriels qui voient déjà leur production baissée et le rand, la monnaie nationale, perdre de sa valeur”, poursuit Jacques, le mari de Titus.
Le cabinet PricewaterhouseCoopers a estimé que les délestages ont déjà coûté entre 2,4 et 2,9 points de croissance du PIB à l’Afrique du Sud en 2021, ce qui a coûté, selon lui, au moins 300 000 emplois au pays.
Sabotages à des fins politiques ?
Pourquoi cette crise de l’énergie ? “Mégestion des infrastructures” et “corruption”… sont les explications le plus souvent données dans les médias du pays qui accusent l’ancien régime du président Zuma (2009 – 2018) d’avoir largement détourné les fonds destinés au développement d’Eskom.
Des responsables de la société, généralement peu prolixes, ont rendu public dernièrement divers sabotages – images à l’appui – dont les installations sont les victimes.
Pour nombre d’observateurs, il ne fait aucun doute que le dossier est politique et pourrait s’expliquer par la détermination du clan Zuma à reprendre en main l’ANC, qui doit désigner ses instances dirigeantes en décembre prochain.
L’actuel président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui a fait de la rupture avec les pratiques de son prédécesseur le moteur de son accession au pouvoir, est dans le viseur. La guerre au sein de l’ANC de Nelson Mandela, le père de la nation arc-en-ciel, peut-elle plonger tout un pays dans l’obscurité ?