Le financier du génocide rwandais devant ses juges

Le financier du génocide rwandais devant ses juges

Félicien Kabuga, capturé en France en 2020, était le dernier “gros poisson” recherché au TPIR.

Félicien Kabuga était, avant son arrestation en mai 2020 en France après 25 ans de cavale, l’un des cinq fugitifs les plus recherchés au monde. Les États-Unis avaient promis une récompense de 5 millions de dollars à celui qui fournirait des informations menant à sa capture pour sa participation présumée dans le génocide rwandais de 1994.

Il était le dernier haut dignitaire, largement impliqué dans le génocide, à être recherché par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

Le procès de cet homme âgé de 87 ans s’ouvre ce jeudi pour génocide et crimes contre l’humanité devant un tribunal des Nations unies à La Haye. Il conteste les accusations portées contre lui. Ses avocats ont tenté d’obtenir qu’il échappe à un procès, arguant de son état de santé fragile. Le tribunal a estimé en juin que son état n’était pas incompatible avec un procès.

Rwanda: Les condamnations dans le monde liées au génocide

Considéré comme le principal financier du génocide des Tutsis au Rwanda, Félicien Kabuga est notamment accusé d’avoir participé à la création des milices hutues Interahamwe, un des principaux bras armés du génocide qui a fait plus de 800 000 morts selon l’Onu, essentiellement au sein de la minorité tutsie.

Membre en vue de l’Akazu

Au début des années 1990, Félicien Kabuga était un membre en vue de l’Akazu, la “petite maison” qui réunissait, autour de la femme du président Juvénal Habyarimana, les durs du régime, qu’ils soient politiques, fonctionnaires ou hommes d’affaires. Une de ses filles était mariée à un des fils du Président.

Félicien Kabuga a contribué à la création de la célèbre Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM), qui est devenue rapidement populaire dans tout le pays.

Grâce à son ton moderne, la diffusion de musiques en vogue et ses animateurs truculents, RTLM a touché un large public. Elle a largement contribué à la diffusion d’un discours violent contre les Tutsis. Lorsque le génocide éclate, après l’attentat contre l’avion présidentiel le 6 avril 1994, RTLM lancera des appels au meurtre des Tutsis.

Félicien Kabuga est aussi accusé d’avoir joué un rôle important dans l’armement des milices Interahamwe. On le sait : de très nombreux massacres ont été commis à la machette. Or, cinq mois avant le déclenchement du génocide, une des entreprises de Félicien Kabuga a importé de Chine 25 tonnes de machettes. En mars 1994, un nouvel arrivage de 50 000 machettes sera enregistré.

Une cavale rocambolesque

Le 7 avril 1994, Félicien Kabuga avait envoyé sa famille à l’ambassade de France, d’où quelques jours plus tard, les dignitaires qui y étaient réfugiés seront évacués par l’armée française. Après la chute du régime, Kabuga gagne la Suisse en juillet 1994, avant d’être expulsé. Il part pour Kinshasa. En juillet 1997, il est signalé à Nairobi (Kenya), où selon l’ONG spécialisée Trial International, il échappe à une opération destinée à l’arrêter, puis à une autre en 2003.

En 2007, les enquêteurs du TPIR le manquent de peu alors qu’il est avec son gendre dans la banlieue de Francfort. Il ne quitte vraisemblablement plus l’Europe. Une surveillance, mise en place sur ses 13 enfants installés en France, en Belgique ou au Royaume-Uni permet aux enquêteurs, après recoupements téléphoniques et de géolocalisation, de retrouver sa trace. Il se cache alors dans un petit appartement à Asnières-sur-Seine où il est capturé le 16 mai 2020.

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