Angola : Le président Lourenço rempile sous tension

Angola : Le président Lourenço rempile sous tension

Joao Lourenço (68 ans) a prêté serment pour un second mandat à la tête de l’Angola ce jeudi 15 septembre. Son parti, le Mouvement pour la Libération de l’Angola (MPLA) conserve les rênes d’un pouvoir acquis à l’indépendance en 1975. Mais jamais sa majorité n’aura été aussi étriquée (124 sièges sur les 220 du Parlement).

Lors des législatives du mercredi 24 août (il n’y a pas de présidentielle en Angola, la tête de liste du parti qui remporte les élections est désignée président de la République), son parti a décroché 51,17 %, son score le plus faible depuis l’instauration du multipartisme et le premier scrutin de 1992. Un passage par les urnes qui opposait alors Eduardo dos Santos (MPLA) à Jonas Savimbi (Unita).

L’Unita avait refusé de reconnaître sa défaite et le pays avait replongé dans une longue guerre civile de dix ans.

Cette fois, l’Unita, emmenée par Adalberto Costa Junior, a de nouveau contesté les résultats de l’élection mais le tribunal constitutionnel a rejeté son recours et confirmé la victoire du MPLA.

Une nouvelle donne

L’Unita, qui a plusieurs fois martelé qu’elle avait, selon ses calculs, remporté le scrutin, a finalement annoncé ce mercredi qu’elle acceptait que ses parlementaires soient investis, laissant entendre ainsi qu’elle se pliait finalement aux résultats proclamés par la Commission électorale nationale.

Une annonce qui a rassuré nombre d’Angolais qui craignaient une flambée de violence. Un sentiment d’inquiétude qui flottait encore ce jeudi dans la capitale angolaise particulièrement calme, selon divers témoignages recueillis par La Libre. La crainte de manifestations, la mobilisation de chars militaires aux abords de la place de l’investiture et les nombreux fourgons de police positionnés dans la capitale, qui a voté en faveur de l’opposition, ont poussé les Luandais à rester chez eux.

Il y a quatre ans, après la première victoire de Lourenço, plus confortable, avec 61 % des voix, la direction de l’Unita avait été très critiquée par une grande partie de sa base pour s’être pliée “trop facilement” au verdict de la commission électorale.

Adalberto Costa Junior, après une campagne énergique et avec un score historiquement haut pour son parti, était à son tour poussé par une partie de la jeune garde du parti “pour aller jusqu’au bout pour faire éclater la vérité et obtenir la victoire.”

La direction du parti n’a pas voulu prendre le risque de mobiliser sa base et tenter de lancer des manifestations populaires avec le risque d’aboutir à des mouvements de répression violents.

Concessions et élections municipales

En décrochant 43,95 % des voix et 90 sièges, l’Unita est devenu incontournable. Le MPLA, qui a perdu sa majorité des deux tiers, ne peut plus légiférer seul. Il ne peut se permettre de laisser de côté une aussi importante partie de la population et une majorité des électeurs de Luanda. Il va donc devoir faire des concessions à son ennemi de toujours.

L’Unita lorgne ainsi sur l’organisation des élections locales éternellement repoussées et qui devraient lui donner quelques leviers dans les grandes villes du pays où il a conquis une population plus jeune et plus connectée.

Affaibli, le président Lourenço, dont c’est constitutionnellement le dernier mandat, devra lâcher du lest.

En fait, paradoxalement, le vainqueur annoncé de ce scrutin est en position très inconfortable. Il doit gérer l’appétit d’une opposition survitaminée, le ressentiment d’une population qui attend toujours les réformes économiques qu’on lui a promises pour sortir de la misère de quotidien mais aussi la grogne au sein même de son parti dans lequel 26 élus ont perdu leur siège au terme d’une campagne où, selon un membre du MPLA, “le président à fait le service minimum”.

Ce jeudi 15 septembre, lors de son discours d’investiture, Joao Lourenço a tenté de répondre au plus vite aux principales attentes en annonçant des augmentations de salaires, une meilleure rémunération des forces armées et en promettant de s’attaquer au chômage des jeunes qui ont majoritairement été séduits par le discours de l’opposition.

La manne pétrolière

Pour obtenir ces résultats, le président Lourenço devrait pouvoir compter sur le retour de la manne pétrolière. La crise ukrainienne a fait s’envoler les cours de l’or noir dont l’Angola est redevenu le premier producteur en Afrique (le Nigeria qui l’avait dépassé a officiellement reconnu avoir perdu 470 000 barils de pétrole brut par jour, soit 700 millions de dollars par mois, suite au vol, au siphonnage et à l’insécurité dans le pays).

Le MPLA a perdu 20 % en 10 ans, il reste 60 mois à Lourenço pour enrayer cette chute s’il veut espérer que son successeur soit issu de son parti. La tâche ne sera pas aisée.

Que pensez-vous de cet article?

Derniers Articles

Journalistes

Dernières Vidéos