Le documentaire sera montré à Kinshasa, Bukavu, Goma et Kisangani entre le 26 août et le 15 septembre prochain. Tandis que le procès intenté par les deux frères cinéastes congolais s’ouvrira le 30 août. Les nombreux soutiens du cinéaste belge, dont le réseau congolais KoPax, dénoncent une volonté de « faire taire les voix influentes » dénonçant l’impunité en RDC.
A l’heure de s’envoler pour le Congo où son dernier film, L’Empire du silence, va être projeté dans trois grandes villes de l’Est congolais en plus de Kinshasa, le réalisateur Thierry Michel est loin d’être serein. Certes il a obtenu son visa “multiples entrées”, ce qui ne lui était plus arrivé depuis bien longtemps, mais le “différend” juridique qui l’oppose aux cinéastes et frères Balufu entache sérieusement l’enthousiasme et l’impatience qui devraient entourer ce début de tournée congolaise.
Au moment même où le film sera montré à Bukavu, soit le 30/08, s’ouvrira le procès pour “atteinte aux droits d’auteur” et “contrefaçon”/plagiat intenté par deux frères et réalisateurs congolais à l’encontre de Thierry Michel. Une action dont la “volonté politique de censure et d’intimidation” est soulignée par le cinéaste belge et ses nombreux soutiens ou défenseurs.
Parmi ceux-ci : l’Association des journalistes professionnels (AJP) belge et la KoPax ou Conscience congolaise pour la paix, vaste réseau de citoyens œuvrant pour la fin de l’impunité en RDC. Une situation dénoncée lors de la conférence de presse organisée ce mardi à Bruxelles.
Connaître l’Histoire, instaurer la Justice
Depuis sa présentation dans le cadre du Festival des Libertés en novembre dernier, L’Empire du silence a connu de multiples diffusions en salle et en festivals qui ont salué la qualité de ce film-somme, réquisitoire implacable qui évoque 25 années d’exactions et de massacres répétés contre la population civile de la République démocratique du Congo (RDC).
Pour son réalisateur, Thierry Michel, qui sillonne le pays depuis des années et lui a consacré pas moins de treize documentaires celui-ci compris, il s’agit même d’un “film-testament” tant il reflète l’ensemble des connaissances accumulées sur l’Histoire du Congo/Zaïre. “J’ai encore découvert beaucoup de faits méconnus ou occultés en préparant ce film” confesse le cinéaste.
Divers experts, dont celui de la Scam, se sont penchés sur les deux films et sont arrivés à la conclusion que seules quatre images de L’Empire du silence et de Congo ! Le silence des crimes oubliés, produit et réalisé par Balufu Bakupa-Kanyinda et Gilbert Balufu, sont similaires. « Or ces images proviennent de l’agence Capa », souligne le cinéaste belge.
Une volonté de faire taire des voix influentes dénonçant l’impunité en RDC
Résolu “à ne pas laisser salir son honneur”, Thierry Michel avait rétorqué en entamant une procédure du fait de “calomnies et d’injures”. Sa plus grande crainte étant que la justice congolaise traîne à statuer sur l’affaire, que la situation s’enlise et que cela nuise à la diffusion et à la distribution du documentaire. Or le but est bien qu’il soit vu par le plus grand nombre. “Ce film vise à ce qu’une justice transitionnelle puisse être mise en place en RDCongo.” Un objectif conforme au combat mené par son principal soutien et protagoniste congolais, le Dr Denis Mukwege.
De son côté, Christian Liongo de la Kopax affirme que cette affaire révèle une tendance de fond un « contexte plus global qui vise à faire taire des voix influentes qui pourraient agir contre l’impunité dans l’est de la RDC ». Il rappelle ainsi les ennuis rencontrés récemment par le professeur Alphonse Mahindo de l’Université de Kisangani et les menaces récurrentes à l’encontre du Dr Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. « Pour que la situation en RDC puisse changer, il faut que les coupables d’exactions et de massacres soient arrêtés », souligne-t-il avec force. « Seuls des outils comme le rapport Mapping ou encore le film L’Empire du silence de Thierry Michel qui citent nommément certains responsables congolais – dont certains sont encore actifs au sein des institutions, de l’armée ou de la police – peuvent nous permettre d’y parvenir », souligne Christian Liongo.
Tournée congolaise
Projeté à nouveau ce vendredi à Kinshasa, après une première présentation au sein du Palais du peuple, le film entamera ensuite sa tournée du 26 août au 15 septembre à Bukavu, Goma et Kisangani, avec deux ou trois projections organisées dans chaque ville, alors que d’autres projections se profilent déjà, dans un deuxième temps, à Lubumbashi, Kananga et Mbandaka, avant Bunia, Butembo…
La diffusion du film est assortie d’une campagne sur les réseaux sociaux baptisée #JusticeForCongo qui propose notamment 20 capsules didactiques de 1 à 2 minutes et a déjà suscité 649 000 vues.
Karin Tshidimba