Maroc : L’état de santé du roi Mohamed VI inquiète

Maroc : L’état de santé du roi Mohamed VI inquiète

Françoise Nions, Correspondante à Rabat

Le roi Mohamed VI est apparu très amaigri lors du discours pour la fête du Trône le 30 juillet. De qui relancer bien des interrogations

L’état de santé de Mohammed VI inquiète ses sujets. “Dans une émission de radio, récemment, j’ai entendu une personnalité publique monopoliser longuement l’antenne pour déclarer son affection et ses vœux de bonne santé à son souverain”, raconte Mohammed. Politologue reconnu, il a préféré l’anonymat pour aborder ce qui est sans doute l’une des questions les plus taboues du Maroc : la santé, ou plutôt la maladie, du Roi.

Sujet tabou

Resté plusieurs mois loin des caméras, le souverain marocain est en effet réapparu sur les images officielles le 7 avril pour recevoir Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, suite au rétablissement des relations maroco-espagnoles. Si aucun média marocain ne l’a relevé, les images parlaient d’elles-mêmes : le souverain a beaucoup maigri. Lui que l’on connaissait avec de l’embonpoint et un visage joufflu, voire bouffi – par la cortisone, dit la rumeur – a soudainement vu ses joues se creuser et sa silhouette fondre.

La santé du Roi reste un sujet que l’on n’aborde que dans la presse étrangère, et encore, à pas menus. La presse nationale ne s’y frotte plus depuis longtemps. En 2009, alors que le Palais royal se fendait d’un communiqué sur “une infection à rotavirus avec signes digestifs et déshydratation aiguë nécessitant une convalescence de cinq jours”, Driss Chahtane, directeur de l’hebdomadaire Al Michaal, avait voulu enquêter sur la santé du souverain et découvrir les non-dits de l’annonce officielle. Ses articles lui ont immédiatement valu une condamnation à un an de prison. À l’époque, la monarchie avait pourtant paradoxalement tenté une opération de transparence à travers ce communiqué exceptionnel.

Il faudra attendre 2017 pour voir une nouvelle annonce officielle concernant la santé du Roi, avec le retrait d’un ptérygion à l’œil gauche au centre hospitalier d’ophtalmologie des Quinze-Vingt à Paris. Depuis, le Palais a choisi de communiquer régulièrement sur l’état de santé du Roi. Ont ainsi été annoncées, en 2018 et 2020, deux opérations cardiaques toujours “couronnées de succès” pour corriger une arythmie cardiaque. Début juillet, lors d’un voyage privé en France, le monarque a contracté le coronavirus, selon un nouveau communiqué officiel. Il s’agissait de son tout premier voyage à l’étranger depuis le début de la pandémie, en dehors d’un séjour au Gabon, où il possède une propriété exceptionnelle. Même l’opération cardiaque de 2020 a eu lieu à Rabat, alors que la première avait été organisée à Paris. Preuve que le souverain craignait très fortement d’être contaminé par le virus.

Cependant, ce n’est pas le coronavirus – “asymptomatique”, selon le communiqué officiel – qui est responsable du grand affaiblissement du Roi, puisque les images remontent à début avril. Sur ce phénomène : rien. Aucune déclaration officielle. La transparence s’arrête là pour le Palais. Pourtant, il est difficile de croire que cet homme de 59 ans, au visage longtemps bouffi, qui s’exprime avec difficulté, la bouche toujours pâteuse et le visage animé parfois de tics, ne souffre d’aucune maladie chronique. “Tout le monde sait… et lui-même sait que tous savent, mais personne n’en parle directement par pudeur, c’est un trait culturel”, estime Mohamed, politologue. Par pudeur et par autocensure, car les enjeux politiques sont considérables puisque le monarque concentre toujours entre ses mains l’essentiel du pouvoir.

Le Conseil de régence actualisé

Pour parer à toute éventualité, le Conseil de régence destiné à gouverner pendant la minorité d’un nouveau Roi a été actualisé en juin 2017. La loi a ramené l’âge de la majorité de 16 à 18 ans. À 19 ans, Moulay Hassan, l’unique fils du Roi et héritier au trône alaouite, est désormais sûr d’avoir les mains libres pour gouverner le cas échéant. Jusqu’à ses 20 ans, il bénéficiera cependant du soutien du Conseil de régence si Mohammed VI venait à décéder avant.

Le très jeune homme étudie depuis un an à la faculté de gouvernance et des sciences économiques et sociales de l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguerir tout en accompagnant ou en représentant son père, le Roi, dans l’exercice du pouvoir. Il était notamment présent lors du dernier Conseil des ministres, en juillet. Préparé au trône depuis sa naissance, le Prince vient tout juste de souffler ses 19 bougies, le 8 mai dernier. “Même si le Roi est l’homme le plus puissant du pays, rappelons qu’il règne, mais ne gouverne pas. Dans la monarchie, la capacité à gouverner par l’absence est une tradition très forte. Les médiations et toute une ingénierie sont là pour ça. Le Roi est plus dans une logique impériale que dans celle d’un État nation, estime le politologue, Les institutions sont résilientes et solides/” De fait, si Hassan II, le père de Mohamed VI, a résisté à deux tentatives de coups d’État, la monarchie a gagné en stabilité – son credo depuis 23 ans – avec Mohammed VI en dépit de mouvements populaires contestataires récurrents.

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