RDC : « L’état de siège a accru la violence dans les deux provinces concernées »

RDC : « L’état de siège a accru la violence dans les deux provinces concernées »

Le 6 mai 2021, la présidence congolaise annonçait l’instauration de “l’état de siège” dans deux provinces de l’est de la République démocratique du Congo, l’Ituri et le Nord-Kivu. Quelques jours plus tard, une cérémonie officielle se déroulait à Goma, lors de laquelle les militaires s’installaient, au détriment des civils, à la tête de ces deux provinces en proie à des violences meurtrières depuis plus de 25 ans.


Objectif de cette décision présidentielle : s’attaquer aux multiples groupes armés (au moins 122 ont été répertoriés) qui sèment la mort dans la région.
Un an après, le bilan est désastreux pour les multiples voix contactées dans les deux provinces, y compris parmi les élus provinciaux et nationaux.

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Au sein du gouvernement et de l’armée congolais, on tente de faire entendre une autre voix. Patrick Muyaya, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication et des Médias, a ainsi expliqué sur le plateau de TV5 Monde que “l’état de siège n’est pas venu stopper automatiquement l’insécurité, mais cela se fera progressivement. C’est vrai que la tâche principale, c’est la sécurité. Nous nous y attelons, mais je pense que nous n’avons jamais dit au démarrage de l’état de siège qu’il mettrait automatiquement fin aux tueries et à la situation de l’insécurité”. Le ministre parle encore de “résultat honorable”.

Plus de 2 .500 civils tués en un an

Du côté des organisations civiles et des ONG, le constat est tout autre. Pour le Baromètre sécuritaire du Kivu, qui regroupe des experts et chercheurs dans tout l’est de la RDC, “le niveau de violence a augmenté”. “Entre mai 2021 et avril 2022, plus de 2. 500 civils ont été tués dans les deux provinces sous état de siège contre 1 .300 sur la même période un an plus tôt.” Les militaires sont accusés de profiter de leur monopole du pouvoir pour faire taire les voix discordantes et en particulier celles qui critiquent l’état de siège.
Amnesty International ne dit rien d’autre. Les chiffres sont différents, mais il est aussi question d’un doublement du nombre de morts depuis l’instauration de cet état de siège. L’ONG souligne en outre que les autorités militaires et policières locales ont utilisé les pouvoirs étendus qui leur ont été conférés au titre de l’état de siège pour réduire au silence les personnes jugées critiques à l’égard de ce dispositif, notamment des députés, des militants pro-démocratie et du personnel d’organisations de défense des droits humains. “Deux militants des droits humains ont été tués par les forces de sécurité et des dizaines d’autres placés en détention arbitraire pour des motifs fallacieux”, dénonce Amnesty.
Le cas de l’activiste Luc Malembe est éclairant. L’homme a été arrêté en fin d’année dernière pour avoir osé critiquer l’inefficacité de cette situation. Depuis, il croupit dans la prison de Bunia. Il a comparu devant les juges du tribunal militaire le 12 janvier dernier. Selon la loi, les juges avaient huit jours pour se prononcer après avoir pris l’affaire en délibéré.

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Quatre mois plus tard, aucun verdict. “Ces gens de l’état de siège ont fait de moi leur détenu personnel, mon sort dépend de leurs humeurs…”, explique ce mercredi le détenu à Lalibreafrique. “Les juges savent que je suis innocent, que je dois être acquitté. Mais ces juges, des militaires eux-mêmes, n’ont pas le courage de résister aux ordres du gouverneur militaire qui veut à tout prix ma condamnation.”

L’aveu de Félix Tshisekedi

Désormais, le pouvoir en place à Kinshasa évoque de plus en plus ouvertement l’idée de remettre en cause cet état de siège. De passage en Côté d’Ivoire ce mardi, le président Félix Tshisekedi, chef des armées, s’est entretenu avec des Congolais de la diaspora. Lors de cette rencontre, dont des images ont été saisies par quelques portables, le Président reconnaît la responsabilité des troupes congolaises dans la vague d’insécurité qui secoue l’est du pays. “Notre armée est aussi pour quelque chose dans ce qui se passe à l’Est. Il faut qu’on y remette de l’ordre”, a-t-il expliqué, avant d’ajouter : “Notre police également, qui favorise certaines choses, qui amène l’insécurité par ses complicités…”

RDC : Félix Tshisekedi reconnaît « certaines complicités » dans l’Ituri (Vidéo)

Des propos qui suscitent le débat depuis mardi soir. “C’est un terrible aveu d’impuissance et la reconnaissance d’une complicité que nous dénonçons depuis de longs mois”, explique un activiste qui préfère demeurer anonyme. “C’est pour cela, notamment, que nous demandons que les militaires qui sont en poste dans nos provinces soient tous relevés et remplacés par d’autres qui n’ont pas noué des liens avec les milices”, répète Dieudonné Lossa Dhekana, coordonnateur de la société civile de l’Ituri.

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