L’état de siège instauré par les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) dans les provinces orientales du Nord-Kivu et de l’Ituri depuis mai 2021 a été utilisé pour écraser la dissidence, affirme un rapport publié mardi par l’organisation de défense des droits humains Amnesty International. Ce dispositif avait été mis en place par le président Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo afin de lutter contre les groupes armés locaux et étrangers qui sévissent dans la région.
Toutefois, Amnesty International constate dans le rapport « RDC: la Justice et les libertés en état de siège au Nord-Kivu et en Ituri » que le nombre de victimes civiles dues au conflit armé dans la région a plus que doublé en une année, passant de 559 à 1.261 personnes.
L’ONG souligne en outre que les autorités militaires et policières locales ont utilisé les pouvoirs étendus qui leur ont été conférés au titre de l’état de siège pour réduire au silence les personnes jugées critiques à l’égard de ce dispositif, notamment des députés, des militants pro-démocratie et du personnel d’organisations de défense des droits humains. « Deux militants des droits humains ont été tués par les forces de sécurité et des dizaines d’autres placés en détention arbitraire pour des motifs fallacieux », dénonce Amnesty.
Au moins trois journalistes auraient également été tués au Nord-Kivu et en Ituri, selon l’organisation Journalistes en Danger (JED), qui œuvre pour la protection des journalistes dans le pays.
Par ailleurs, le recours à des tribunaux militaires pour poursuivre et juger les civils, procédé illégal au regard du droit international, a entraîné des dizaines d’arrestations arbitraires. « Les juridictions militaires n’avaient pas la capacité de faire face à une telle hausse du nombre des affaires portées devant elles. Cette situation a provoqué une augmentation considérable du nombre de personnes en détention provisoire en attente de leur procès et une détérioration supplémentaires des conditions de détention », déplore l’ONG.
Amnesty International plaide pour la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement et demande au président Tshisekedi de « lever toutes les restrictions en matière de droits humains » et de « définir un calendrier précis de sortie » de l’état de siège.
L’état d’urgence, décrété le 3 mai 2021 et prévu pour une période de 30 jours a été prolongé 22 fois depuis lors.
Le Nord-Kivu et l’Ituri, provinces de l’est congolais, sont le théâtre de conflits armés depuis les années 1990. Ils se sont intensifié ces dernières années, entraînant la mort de près de 7.380 civils entre 2017 et 2020, selon le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), qui dispose d’experts dans les zones de ces violences.