L’ONG Global Witness publie un rapport étoffé et édifiant sur le modus operandi de ce trafic d’une ampleur exceptionnelle.
Ce samedi 23 avril, Théo Ngabidge Kasi, le gouverneur du Sud Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a révoqué son ministre provincial des Mines, Hydrocarbures et Ressources hydrauliques, Apollinaire Bulindi. Motif évoqué : le ministre était “suspecté d’entretenir l’exploitation illicite des minerais”.
Une décision qui ne devrait pourtant pas remettre en cause le trafic de matières premières dans l’est de la RDC et au Rwanda, à la lecture du rapport qui sera présenté ce mercredi par Global Witness, une ONG internationale qui travaille sur les liens entre l’exploitation des ressources naturelles, les conflits, la pauvreté, la corruption et les violations des droits de l’homme dans le monde,
En effet, ce rapport d’une soixantaine de pages, qui a nécessité plus de six mois d’enquête sur le terrain et des dizaines d’interviews avec tous les acteurs directs ou politiques de ce dossier, démontre que “l’un des principaux mécanismes de contrôle utilisés dans cette industrie pourrait en fait faciliter le blanchiment de minerais en provenance de mines contrôlées par des milices, ou produits grâce au travail d’enfants. Ce mécanisme, auquel de nombreuses sociétés internationales font confiance pour s’approvisionner de façon responsable, serait également utilisé pour blanchir des minerais de contrebande ou faisant l’objet de trafics”.
Le principe est d’une simplicité et d’une “efficacité” redoutables. ITSCI, c’est le nom du système mis en cause, certifie que les minerais sont issus d’exploitations qui ne sont pas entre les mains de milices et qui ne recourent pas au travail des enfants, il garantit donc, à l’aide d’étiquettes sur des sacs scellés avant toute exportation, la traçabilité de ces minerais. Estampillés ITSCI, ceux-ci (surtout les 3T : étain, tungstène, tantale) se retrouvent ensuite dans des fonderies aux quatre coins du monde avant d’être intégrés dans des composants électroniques utilisés par des grandes marques internationales.
En six mois d’enquête, Global Witness démontre que les minerais issus d’exploitations vraiment certifiées ne représentent qu’une petite partie de ce qui est exporté avec la garantie ITSCI (le système financé par les taxes payées par les exportateurs). La faute notamment aux agents de l’État, peu regardants, qui acceptent de sceller des sacs et de certifier des mines qui ne devraient pas l’être. L’ONG pointe aussi un dysfonctionnement général et systémique, mettant en lumière la responsabilité de ceux (businessmen et responsables politiques) qui ont érigé ce système en partant du postulat qu’il était préférable qu’ils mettent eux-mêmes au point une certification qu’ils puissent contrôler aisément. Les entreprises internationales, elles, se réfugient derrière la norme ITSCI, promues par les gouvernements de la RDC et du Rwanda. Tout le monde s’y retrouve, le business peut donc continuer, mais aussi l’exploitation des enfants, la prolifération des milices et les conflits qui ensanglantent la région. Ce qui ressort de ce rapport, c’est que l’hypocrisie règne en maître, ce système de certification est trop facilement contournable et contourné.