L’avocat de Paul Rusesabagina présente « la preuve » de son enlèvement par le Rwanda

L’avocat de Paul Rusesabagina présente « la preuve » de son enlèvement par le Rwanda

L’avocat et la famille de Paul Rusesabagina, ce ressortissant belge opposant au régime du président rwandais Paul Kagame et condamné à 25 ans de prison pour « terrorisme », ont réclamé mercredi sa libération immédiate et son transfèrement en Belgique en raison de son état de santé, tout en accusant le régime de Kigali d’être à l’origine de son enlèvement. L’avocat de M. Rusesabagina, Me Vincent Lurquin, a ainsi brandi lors d’une conférence de presse à Bruxelles une copie d’une facture prouvant selon lui que le président Kagame a organisé le 27 août 2020 « l’enlèvement d’un ressortissant belge ». Il s’agit d’une facture pour un vol effectué du 19 au 28 août par un avion d’affaires Bombardier Challenger 605 opéré par une compagnie privée grecque entre Athènes et Kigali, via Dubaï – là où l’opposant s’était rendu en pensant ensuite joindre le Burundi – et adressée à un responsable de la présidence rwandaise, le lieutenant-colonel Innocent Gashugi. 

Cette facture d’un montant de 120.100 euros a été découverte par un juge d’instruction belge enquêtant sur l’enlèvement de M. Rusesabagina lors d’une commission rogatoire au siège de la compagnie GainJet, a précisé l’avocat. Il a expliqué qu’une enquête était également en cours aux Etats-Unis.

Le gouvernement rwandais a admis avoir « facilité le voyage » de M. Rusesabagina vers Kigali, mais affirmé que son arrestation était « légale » et que « ses droits n’ont jamais été violés ».

Me Lurquin et deux des enfants, Carine et Roger, ont une nouvelle fois réclamé la libération « d’urgence » de l’opposant, âgé de 67 ans et qui a fait un accident vasculaire cérébral (AVC) dans une prison proche de Kigali et son transfèrement vers la Belgique. « C’est la mort qui rôde autour de sa cellule » de Nyarugenge, a lancé l’avocat. Il a assuré que son client avait été torturé après son arrestation à Kigali et durant sa détention « arbitraire » et « forcée », une expression utilisée par le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, qui a demandé sa libération immédiate et sans condition.

« Mme (Sophie) Wilmès (la ministre belge des Affaires étrangères) a raison quand elle dit que le procès de M. Rusesabagina en première instance n’a été ‘ni juste ni équitable' », a-t-il dit.

« Nous demandons que Paul Rusesabagina soit libéré d’urgence. Procéder à son transfèrement c’est possible » après une détention de 595 jours et une « mascarade » en guise de procès, a souligné l’avocat.

La présidente de la commission des affaires étrangères de la Chambre, Els Van Hoof, a pour sa part rappelé mercredi devant la presse que la Chambre avait adopté l’an dernier une résolution demandant au gouvernement d’ouvrir un dialogue avec le Rwanda sur un rapatriement de Paul Rusesabagina.

« C’est un citoyen belge et sa situation devrait être une priorité pour la Belgique », a affirmé la députée CD&V. Elle a cité des échanges avec Mme Wilmès (MR) se disant favorable à « un dialogue respectueux » avec Kigali sur le cas de M. Rusesabagina mais soulignant qu’un transfèrement n’est pas possible en raison de l’absence d’accord bilatéral entre les deux pays.

Mme Van Hoof a aussi évoqué la possibilité de prendre des sanctions – à définir dans un cadre européen – contre des membres du régime Kagame.

Début octobre, les députés européens ont réclamé sa libération pour « raisons humanitaires » et son rapatriement vers la Belgique. Pour faire pression sur Kigali, les eurodéputés avaient également demandé à la Commission européenne « un réexamen critique de l’aide apportée par l’Union européenne » au gouvernement et institutions rwandaises.

Les Etats-Unis, qui ont décerné à M.  Rusesabagina la médaille présidentielle de la liberté en 2005 et lui ont accordé le titre de résident, s’étaient dits « préoccupés » par sa première condamnation.

La Cour d’appel du Rwanda a confirmé le 4 avril la condamnation à 25 ans de prison pour « terrorisme » de M. Rusesabagina, rejetant l’appel du parquet qui souhaitait une peine plus lourde à l’encontre de l’ancien hôtelier connu, selon sa fille, Carine Kanimba, pour avoir sauvé 1.268 Hutu et Tutsi réfugiés à l’hôtel des Mille Collines à Kigali lors du génocide de 1994.

Connu pour être un virulent opposant à M. Kagame, Paul Rusesabagina avait été condamné en septembre dernier à 25 ans de prison pour « avoir fondé et appartenir » au Front de Libération nationale (FLN), groupe armé accusé d’avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019. Cette peine a été confirmée en appel.

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