Des manifestations contre la faim ont aussi commencé dans tout le pays cette semaine.
Au moins 45 personnes ont été tuées depuis mardi dans de nouveaux affrontements tribaux au Darfour, région de l’ouest du Soudan régulièrement endeuillée par des violences, ont indiqué les autorités de sécurité locales.
Les combats ont débuté mardi entre la tribu africaine des Fallata et une tribu arabe dans des villages près de Nyala, la capitale du Darfour-Sud, ont rapporté des témoins.
“Les combats entre les tribus Fallata et Rizeigat ont fait 15morts mardi et 30 mercredi”, a indiqué un communiqué du Comité de sécurité du Darfour-Sud, un organe gouvernemental local, précisant que des femmes et des enfants faisaient partie des victimes.
Plus tôt, des chefs des deux tribus ont affirmé séparément à l’AFP que les combats s’étaient poursuivis jeudi. Le responsable de la tribu Fallata avait évoqué une trentaine de morts jusque-là.
Une source médicale a, par ailleurs, fait état d’une vingtaine de blessés, certains dans un état critique, ayant été transportés dans des hôpitaux à proximité.
Combats pour l’eau
D’après un habitant du Darfour-Sud, Mohamed al-Fatteh, les affrontements ont éclaté après qu’un chef arabe a été tué. D’autres sources évoquent le lancement d’une délimitation des terres entre tribus pour expliquer cette nouvelle flambée de violence.
Ce n’est pas la première fois que la tribu arabe Rizeigat et les membres de la communauté africaine Fallata s’affrontent. Déjà en mai 2020, un vol de bétail avait fait 30 morts.
Les tensions tribales sont régulières au Darfour depuis quelques années. Elles sont souvent liées à une compétition pour les ressources. À cela s’ajoute un fort ressentiment entre arabes et non-arabes depuis le génocide perpétré par le pouvoir arabe de Khartoum contre les communautés africaines du Darfour.
Au début de ce mois de mars, des affrontements entre éleveurs et agriculteurs dans la région montagneuse du Jebel Moun, au Darfour-Ouest frontalier du Tchad, ont fait une quarantaine de morts en une semaine.
Des heurts entre éleveurs arabes et agriculteurs africains pour des disputes territoriales ou l’accès à l’eau avaient déjà causé la mort de près de 250 personnes d’octobre à décembre au Darfour, selon un syndicat de médecins prodémocratie.
La région a été ravagée par une guerre civile déclenchée en 2003 entre le régime à majorité arabe et les insurgés issus de minorités ethniques dénonçant des discriminations.
Dans ce conflit, environ 300 000 personnes sont mortes et près de 2,5 millions ont été déplacées durant les premières années de violences, d’après l’Onu.
Le Soudan, sorti en 2019 de trente années de dictature militaro-islamiste, a été le théâtre en octobre d’un coup d’État qui a interrompu un processus visant à établir un pouvoir civil, accentuant la crise économique.
Au Darfour, le vide sécuritaire créé par le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane et le départ des 15 000 hommes de la mission des Nations unies (Minuad) fin 2020 ont favorisé une résurgence de la violence, expliquent les experts, avec des pillages de bases de l’Onu, des combats tribaux, des attaques armées et des viols.
Les casques bleus devaient céder la place à une force conjointe de 6 000 combattants, partagée entre soldats soudanais et rebelles.
Mais 18 mois après, cette force peine à prendre corps. Les procédures pour absorber les rebelles dans cette nouvelle entité n’ont commencé qu’en janvier. En attendant, l’insécurité reste toujours très forte dans la province.
Manifestations contre la faim
Par ailleurs, cette fin de semaine, des manifestants ont défilé par milliers à Port-Soudan (nord-est), Madani (centre), Gedaref (sud-est) et dans les banlieues de Khartoum pour dénoncer une fois de plus le coup militaire d’octobre dernier et contre la hausse du coût de la vie. “À bas le gouvernement de la faim !”, “les militaires aux casernes !” ont scandé les manifestants à Khartoum.
Le pays, l’un des plus pauvres au monde, a perdu son aide internationale, soit 40 % de ses recettes, en rétorsion au putsch. De plus, la livre soudanaise s’est effondrée et le Soudan est pris à la gorge par la hausse des prix des céréales et du pétrole due à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Lundi, l’émissaire de l’Onu à Khartoum, Volker Perthes, a averti que le Soudan se dirigeait vers “un effondrement économique et sécuritaire” à moins que la transition dirigée par les civils, mise en place après la chute en 2019 du dictateur Omar el-Bachir, ne soit rétablie.