RDC : Panzi et Lubumbashi partagent expertise et savoir-faire

RDC : Panzi et Lubumbashi partagent expertise et savoir-faire

Olivier le Bussy, à Lubumbashi

« Il  n’a pas peur, hein. Ah ! Il a touché le foie, c’est pour ça qu’il doit cautériser.” Comme leurs deux cents condisciples présents dans la salle de conférence, les deux étudiants en médecine de l’Université de Lubumbashi que l’on entend chuchoter regardent l’écran géant avec la même attention que s’ils suivaient un long-métrage palpitant. “Évitez tout saignement. Il faut y aller lentement. C’est au final comme ça qu’on va le plus vite”, conseille la voix du Pr Guy-Bernard Cadière, qui donne la leçon à distance. Le professeur des Clinique Saint-Pierre à Bruxelles, spécialiste de la laparoscopie (qui permet d’opérer sans ouvrir l’abdomen, à l’aide d’une minuscule caméra et d’outils chirurgicaux introduits par incision), est occupé à retirer une vésicule biliaire dans l’une des salles d’opération du Centre médical de la communauté de Lubumbashi (CMC), l’hôpital créé par l’homme d’affaires belge George Forrest. Les étudiants verront ensuite sur le même écran des extraits d’interventions du gastro-entérologue Marc Van Gossum, exécutées dans une autre salle du CMC, puis une hystérectomie pratiquée par le gynécologue-obstétricien Maxime Fastrez, pratiquée au même endroit. Dans l’après-midi, le Dr Denis Mukwege en personne leur fera un cours sur la prise en charge des fistules (communication anormale entre le vagin et la vessie et/ou le rectum). Le lendemain, le lauréat du prix Nobel de la paix 2018 donnera une grande conférence sur “le viol comme arme de guerre”, ce fléau sur lequel il n’a de cesse d’attirer l’attention du monde. Ce programme a inauguré, au début du mois mars, le partenariat noué entre le CMC, l’Université de Lubumbashi et l’hôpital de Panzi dirigé par le Dr Mukwege.

Lors de sa création, en 1998, les soins fournis par le CMC étaient destinés aux employés du groupe Forrest (principal employeur de la province du Katanga, actif dans la construction, l’énergie, les mines, l’agroalimentaire…). Le CMC a ensuite passé des conventions avec d’autres entreprises pour ouvrir ses services à leurs employés et accueillir une patientèle privée. Rénové en 2018, il est l’hôpital le mieux équipé de la province. “Nous avons voulu en faire un hôpital de référence où on pourrait faire le maximum sur place plutôt que d’envoyer les patients à l’extérieur”, explique George Forrest. “L’objectif est que l’hôpital puisse couvrir ses frais et investir dans son matériel, mais ce n’est pas un centre de profit comme tel. On n’a pas encore fait une seule fois une marge de bénéficiaire.” Chaque année, l’homme d’affaires remet dans les caisses du CMC “500 000 à 1 million de dollars”.

Un cadre favorable à la formation des médecins

L’origine du “jumelage” entre le CMC et Panzi tient à la relation qui unit le Pr Cadière et George Forrest. Depuis une dizaine d’années, Guy-Bernard Cadière, Marc Van Gossum, Maxime Fastrez et d’autres se rendent plusieurs fois par an à l’hôpital du Dr Mukwege, où ils opèrent bénévolement pendant une semaine. Leurs voyages et séjours à l’est du Congo ont longtemps été financés par George Forrest, sensibilisé à l’action menée par le Dr Mukwege en faveur des victimes de violences sexuelles par l’ancien chef de la diplomatie belge Louis Michel. Ils viendront désormais fréquemment opérer au CMC. “Je leur ai demandé de venir à Lubumbashi pour aider à développer et améliorer notre centre et former nos médecins. Puis j’ai suggéré d’associer l’université et ensuite est venue l’idée d’y ajouter Panzi. Le Dr Mukwege a trouvé que c’était une très bonne idée”, détaille George Forrest. “Lubumbashi a un nombre de professeurs plus important que nous n’en avons au Kivu et, pour la formation des médecins, ce cadre d’échange peut favoriser des améliorations”, approuve le Dr Mukwege. Le nouveau partenariat formalise aussi la collaboration entre le CMC et l’Université de Lubumbashi en matière de “partage de l’expertise, de recherche, de service à la communauté”, se félicite le doyen de la faculté de médecine Willy Arung Kalau. “C’est aussi pour nos médecins et nos assistants la chance de bénéficier du cadre offert par le CMC”, fourni en équipements médicaux, comme une colonne de laparoscopie, dont l’université ne dispose pas et dont les hôpitaux publics congolais ne peuvent que rêver.

Le CMC accueille pour l’essentiel une patientèle qui peut payer les soins, via son employeur ou avec sa propre bourse. Mais l’hôpital peut aussi traiter des patients indigents souffrant de pathologies graves. Parvenir à attirer plus de patients aisés, grâce à la qualité des soins, pourrait bénéficier à l’ensemble de communauté, glisse le Dr Mukwege : “Il faut être suffisamment performant pour que ceux qui ont les moyens fassent leur laparoscopie ici plutôt qu’en Afrique du Sud. Plus ils seront nombreux à le faire, plus on en fera profiter ceux qui n’en ont pas les moyens.”

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