Reportage Hubert Leclercq, Envoyé spécial à Harare
Zimbabwe Les effets de la guerre en Ukraine pourraient déjà influencer le scrutin partiel de ce samedi 26 mars 2022.
« Revenez dans un an, la situation sera bien plus chaude”, explique pourtant sous un soleil de plomb, Kevin, jeune étudiant en journalisme à Harare, la capitale zimbabwéenne, ce vendredi 25 mars, à la veille d’une législative partielle qui concerne 28 des 270 sièges de l’Assemblée nationale.
Dans la capitale, piquée d’affichettes à l’effigie des candidats, le scrutin ne mobilise pas toutes les attentions. Le coût de la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques qui se font déjà ressentir au quotidien (avec l’envolée du pix de l’essence à 1,60 euro le litre) suscite bien plus d’attention même si tout le monde annonce un scrutin extrêmement serré entre le parti au pouvoir, le Zanu-PF, indéboulonnable depuis l’indépendance de 1980, et le nouveau venu, le CCC (Coalition citoyenne pour le changement) de Nelson Chamisa, 44 ans. L’homme, déjà présent sur le devant de la scène politique zimbabwéenne depuis plus de 20 ans, avait officiellement été défait de justesse au premier tour de la présidentielle de 2018 par le candidat du Zanu-PF Emerson Mnangagwa (79 ans).
À l’époque, Chamisa était à la tête du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) dont il avait participé à la création en 1999. Depuis la présidentielle de 2018 et surtout le décès de Morgan Tsanvagirai, (quelques mois plus tôt en février 2018) le MDC a traversé une importante crise à son sommet. Une guerre des chefs qui a débouché sur l’apparition de deux partis MDC, simplement différenciés par la lettre qui lui était accolée (MDC-T ou MDC-A). Finalement, le MDC-T, emmené par Thokozani Khupe a conservé son nom. Nelson Chamisa transformant, en janvier dernier seulement, son MDC en CCC.
La jeunesse mobilisée ?
Un pari osé qui lui permet aussi d’apparaître comme le symbole d’un renouveau politique baignant dans une couleur jaune éclatante qui attire tous les regards. Une foule ; souvent très jeune, a répondu présent à tous ses meetings. “Le souci, c’est que ces jeunes ne se déplaceront pas pour voter”, ont déjà annoncé plusieurs analystes qui ont notamment scruté les inscriptions sur les listes des électeurs. “Chamisa est populaire, c’est une évidence, mais les jeunes qui viennent à ses meetings ne sont pas disciplinés. Du côté du Zanu-PF, c’est une machine politique bien rodée qui obéit au mot d’ordre”, poursuit notre étudiant en journalisme.
Avec 180 sièges à l’Assemblée nationale, le parti du président Mnangagwa est évidemment certain de conserver sa majorité mais l’éventuelle progression de Chamisa donnera le ton pour la présidentielle qui doit se tenir au printemps 2023. Le Zanu-PF de l’ancien président Robert Mugabe sait que psychologiquement et symboliquement il joue gros sur ces législatives.
“Les fondamentalistes veulent installer un califat en Afrique australe”
Un constat qui vaut aussi pour le président Emerson Mnangagwa. L’héritier de Mugabe doit faire face à des tensions au sein de son parti. Au début du mois de février dernier, lorsqu’il a reçu La Libre, il se disait convaincu qu’il serait désigné par son parti pour la course à un second mandat. Mnangagwa tente de retisser des liens avec une communauté internationale qui peine à tourner la page de Mugabe, il a entrepris des réformes agraires qui devraient déjà porter leurs fruits lors de la prochaine récolte mais dans le contexte actuel de l’envolée des prix des céréales, cet effet sera insuffisant pour amortir les risques d’inflation.
Un résultat moyen lors de ces législatives partielles pourrait donner des ailes à ses adversaires politiques au sein de son propre parti. Son vice-président Constantino Chiwenga, général à la retraite, en bon militaire, est à l’affût et n’a jamais caché ses ambitions.
Le duel Zanu-PF – CCC peut être regardé comme un match retour du scrutin de 2018 et pourrait aussi préfacer le duel de la prochaine présidentielle. Les deux leaders en sont conscients et n’ont pas lésiné sur la mobilisation humaine et matérielle durant cette campagne. En l’absence de sondage et vu les distributions en nourriture, en boisson et en t-shirts lors des meetings, il est difficile de prédire les résultats de ces législatives qui sont bien plus qu’un scrutin partiel.