Burkina Faso Dans le nord-est du pays, les villes sont coupées du monde par les islamistes.
« Les terroristes s’étendent à travers l’Afrique à la fois en termes d’avancées géographiques et d’influence, et les efforts américains de lutte contre le terrorisme ne sont pas satisfaisants. Nous devons faire plus, nous devons faire mieux.” Derrière ces mots, le général Stephen J. Townsend, chef du Commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom), dans un point de presse tenu fin du mois dernier et qui a balayé les enjeux et les menaces sur tout le continent africain.
Pour le militaire américain, la situation dans le Sahel est particulièrement inquiétante. Il épingle le fait que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) continue de s’étendre, en progressant vers les États côtiers. “Nous avons vu des attaques récentes au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire. Pour moi, ces attaques prouvent que cette expansion est une réalité. Ces faits m’inquiètent et ils démontrent surtout que l’intervention militaire ne peut être qu’une partie de la solution. Nous pouvons continuer à aider les forces locales, elles enregistrent des succès tactiques sur le terrain, mais ces interventions militaires doivent être soutenues par une bonne gouvernance et un bon développement. Tant que nous n’aurons pas une approche 3D cohérente (diplomatie, développement et défense) de la part non seulement des partenaires africains mais aussi de tous les partenaires internationaux, y compris les États-Unis, je pense que les terroristes continueront à en profiter et poursuivront leur expansion”, a-t-il mis en garde.
Face à ce constat, “Africom fournit un soutien à la fois à la Force conjointe du G5 Sahel et, de manière bilatérale, aux nations qui la composent”, a poursuivi le général Townsend.
Avancées
Le militaire américain a quand même tenu à souligner quelques succès remportés sur les champs de bataille grâce à une “bonne coopération” entre les armées et de citer notamment l’élimination en juin 2020 dans le nord du Mali du chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek Droukdel par l’armée française. Mais il a surtout souligné que ces succès ne peuvent enrayer la progression des islamistes dans des régions où l’État a démissionné parfois depuis de longues années.
Cette analyse américaine est encore confortée par l’évolution de la situation ces derniers jours au Burkina Faso. Plus particulièrement dans le nord-est du pays.
Jusqu’ici, la junte militaire burkinabée avait été relativement épargnée par les attaques djihadistes auxquelles l’ancien pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré avait été incapable de répondre. Mais cette toute relative accalmie est définitivement terminée et le pouvoir du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est à son tour confronté à la violence djihadiste après une série d’attaques, les plus meurtrières depuis sa prise de pouvoir en janvier.
Vingt-trois civils et treize gendarmes sont morts dans quatre attaques en quelques jours dans la région de Dori, l’une des principales villes du nord-est du pays.
Il y a urgence
Selon certains experts, il y a urgence à agir face aux progrès soutenus des groupes islamistes dans cette région.
“La stratégie des terroristes consiste à isoler des villes importantes en coupant les voies d’accès et de communication. Dori par exemple est isolée et les populations risquent de rejoindre les groupes armés pour pouvoir survivre”, estime Mahamoudou Sawadogo, chercheur et expert des questions de sécurité au Sahel, interrogé par AFP.
“Si on continue de traîner, l’aviation ne nous sera plus utile parce que les terroristes sont au sein de la population. Il faut entraîner les hommes, aller au contact, au corps à corps”, ajoute-t-il.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des mouvements djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique, qui ont fait plus de 2 000 morts dans le pays et contraint au moins 1,7 million de personnes à fuir leurs foyers.
Dans ses prises de parole publiques, M. Damiba a répété que la lutte contre le terrorisme était une priorité du gouvernement de transition qui doit gérer le pays pour les trois prochaines années, avant des élections. Mais un mois après sa prestation de serment, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer le décalage entre les déclarations et les actes.
Pour l’aider dans sa lutte contre les djihadistes, l’armée burkinabée demandera-t-elle l’assistance d’autres pays, voisins ou occidentaux ? Jusqu’ici, officiellement, la junte n’a pas encore pris position sur l’engagement militaire français et européen au Sahel, mais depuis qu’elle est au pouvoir, elle a en tout cas laissé opérer les troupes françaises de Barkhane sur le territoire du Burkina.