Pratiquement 50 % des États qui se sont abstenus de voter la résolution “Agression contre l’Ukraine” lors de l’Assemblée générale des Nations unies du mercredi 2 mars sont africains.
Sur les 193 pays membre de l’ONU, 141 ont approuvé le texte. Cinq s’y sont opposés (La Russie, le Biélorussie, la Corée du Nord, la Syrie et l’Érythrée). Trente-cinq se sont abstenus, parmi lesquels 17 pays africains. Le Sénégal du président Macky Sall est l’un d’entre eux. Le chef de l’État sénégalais assure pourtant depuis le début du mois de février la présidence tournante de l’Union africaine (UA) qui a appelé, elle, forte de ses 55 États membres, au “respect impératif de la souveraineté nationale de l’Ukraine”.
Pour un diplomate sénégalais, cette abstention s’explique surtout par le fait que “certains pays ont profité de ce vote pour envoyer un message à la France et à l’Occident. Nous ne voulons plus apparaître comme de bons petits soldats qui vont à l’abattoir parce que l’ancien colon nous le demande”.
D’autres soulignent le poids réel de la diplomatie russe. “Il y a eu un vrai travail de lobbying russe auprès de nombreuses capitales africaines avant ce vote”, explique un diplomate européen qui parle aussi de la crainte de représailles. “Pas une campagne militaire hostile sur le terrain, non, quelque chose de plus insidieux, de plus moderne, comme une campagne de désinformation, de manipulation de l’information qui pourrait avoir des conséquences ravageuses pour certains pouvoirs en place.”
D’autres diplomates soulignent malgré tout le poids des mercenaires de Wagner présents au Soudan, en République centrafricaine, au Mali, trois pays qui se sont abstenus. Le constat est valable aussi pour le Mozambique, pays en proie à des violences islamistes qui a pu compter un temps sur le soutien de ces mercenaires avant qu’ils ne plient bagages suite à des pertes importantes. “Maputo est désespérément à la recherche d’alliés face à ces offensives djihadistes et ne veut pas fermer la porte à un retour des gros bras russes”, explique un ministre de la région qui insiste sur le fait que ce sont essentiellement des contingences individuelles qui expliquent ce vote… africain.
Le poids de l’histoire
“Il n’y a pas vraiment d’idéologie, c’est d’ailleurs une lecture que l’on peut généralement faire du vote africain. Ce sont les données du moment qui guident les votes. Regardez bien la ventilation géographique ou la grande histoire des États qui se sont abstenus, il y a bien évidemment des liens historiques avec l’URSS comme pour l’Angola, l’Afrique du Sud, le Congo-Brazzaville ou l’Algérie. Mais ce sont surtout des intérêts du jour ou la volonté de ne pas se mêler à un conflit qui n’est pas le leur”, poursuit un ex-ministre de Brazzaville.
L’Ouganda, lui, a pu se retrancher derrière le fait qu’il préside actuellement aux destinées du Mouvement des non-alignés. Officiellement, son abstention s’expliquerait donc par une volonté de “préserver sa neutralité” dans ce contexte.
Un autre diplomate européen pointe un autre élément “très perturbant”. “Si 35 pays se sont abstenus, 12 n’ont pas participé au vote. Sur ces 12 États, 8 sont africains. Au total, cela signifie donc que 25 pays d’Afrique (sur les 55 membres de l’Union africaine) n’ont pas soutenu ce texte, avouez que ce n’est pas banal.”
“Ce n’est pas notre guerre”, ose un diplomate de la République démocratique du Congo dont le pays a pourtant soutenu le vote de la résolution, ce qui a suscité pas mal de controverse à Kinshasa. “Regardez nos voisins. Sur neuf États, sept se sont abstenus, seuls le Rwanda et la Zambie ont voté cette résolution.”