En octobre dernier, l’Union européenne a prolongé ses sanctions contre quatre responsables burundais, dont le ministre de l’Intérieur Gervais Ndirakobuca, numéro 2 du gouvernement.
Une prolongation des sanctions qui n‘a pas empêché ce mardi l’Union européenne d’annoncer officiellement la reprise de son soutien budgétaire direct au régime du président Évariste Ndayishimiye, ancien général qui a succédé au président Pierre Nkurunziza en 2020 et qui occupait le poste de secrétaire général du parti au pouvoir (CNDD-FDD) au plus fort des répressions de 2015.
Cette reprise des échanges avec un pays qui est sous sanction depuis 2016 se justifierait par “la reprise du dialogue” avec le nouvel homme fort du régime selon l’UE.
Ce mardi 8 février 2022, l’Europe a donc annoncé formellement ce que le pouvoir de Gitega attendait depuis la fin de l’année dernière et l’annonce d’un accord politique entre les 27 États membres : la levée des sanctions contre le Burundi. L’Union européenne rejoint ainsi les États-Unis qui avaient déjà levé, en novembre dernier, toutes les sanctions que l’administration Obama avait imposées au Burundi. L’actuel locataire démocrate de la Maison-Blanche évoquait “le transfert de pouvoir à la suite des élections de 2020, la réduction considérable de la violence et la poursuite des réformes par le président Évariste Ndayishimiye dans de multiples secteurs”, pour justifier sa décision.
L’Europe va donc pouvoir reprendre son soutien financier et le versement de fonds au bénéfice direct de l’administration ou des institutions burundaises et le président Ndayishimiye devrait être présent à Bruxelles les 17 et 18 février prochains pour assister au sommet Union européenne – Union africaine.
“Realpolitik” explique en substance des Européens qui justifient leur décision à la fois “par la politique d’ouverture du président” et “par la volonté de peser sur les réformes du pays.” “Ces sanctions ont montré leurs limites. Ce n’est pas en ne dialoguant pas avec le pouvoir qu’on peut espérer le faire bouger”, explique un diplomate européen.
Colère des ONG
L’UE veut reprendre l’aide au régime semi-militaire burundais: pas si vite!
La décision européenne ne fait pas l’unanimité. L’ONG Human Rights Watch, notamment, ne partage pas le regard des experts européens. Dans un texte intitulé “La répression brutale n’a jamais cessé au Burundi”, sa directrice pour l’Afrique n’y va pas par quatre chemins : “Depuis un an et demi, le gouvernement de Ndayishimiye continue largement de marcher sur les pas de Pierre Nkurunziza. Il a intimidé et réprimé ses opposants, détenu et torturé ses détracteurs, et, comme l’atteste un nombre grandissant de preuves recueillies par des organisations internationales et burundaises de défense des droits humains, a tué et fait disparaître un grand nombre de personnes qu’il soupçonne de travailler avec l’opposition politique ou avec des groupes rebelles”.
Dans le pays, la situation sociale et économique ne cesse de se détériorer depuis 2015 et l’annonce de la volonté du président d’alors, Pierre Nkurunziza, de briguer un troisième mandat inconstitutionnel qui a embrasé le pays, poussé des centaines de milliers de Burundais sur la route de l’exil et amené le départ précipité des investisseurs.
Multiplication des fronts
Cette crise économique – qui n’empêche pas une “mafia des généraux” de prospérer sur le dos de la population – entraîne aussi une radicalisation de l’opposition et l’ouverture de nouveaux fronts. Outre les Red Tabara (dont le nombre serait en augmentation entre 400 et 600 individus), deux autres mouvements ont pris de l’ampleur : le FNL d’Agathon Rwasa et le front Godefroid Nyombare, du nom de l’opposant qui a mené le putsch en 2015 contre Pierre Nkurunziza et qui est réfugié au Rwanda. Ces trois mouvements peuvent compter sur des défections de plus en plus nombreuses dans les rangs de l’armée burundaise. Une tension et une insécurité accrues qui sont ressenties jusque dans les escortes doublées du président de la République et du Premier ministre.