Le président de la Ceni s’est montré rassurant lors de la présentation de sa « feuille de route » pour les élections mais il a aussi reconnu que ce serait compliqué
Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de la République démocratique du Congo, Denis Kadima, a rendu public ce jeudi 3 février sa “feuille de route du processus électoral 2021-2027”. Au centre de cet agenda, l’organisation de la présidentielle et des législatives qui doivent, au regard de la Constitution congolaise, avoir lieu au plus tard en décembre 2023.
Denis Kadima Kazadi, dont l’élection à la tête de la Ceni en novembre dernier a été marquée par de vives tensions qui ont divisé les huit confessions religieuses incapables de s’entendre sur son nom, sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. L’homme traîne derrière lui l’étiquette du candidat choisi par le Président de la République. L’Église catholique et l’Église du Christ au Congo (protestant), les deux principales confessions religieuses du pays, ne se sont pas fait prier pour expliquer que sa désignation avait été entourée par de multiples actes de corruption.
RDC : Denis Kadima Kazadi désigné président de la CENI et déjà contesté
Dans ce contexte, depuis son installation, le président de la Ceni a cherché à rassurer. Il a multiplié les petites sorties pour confirmer que tout serait fait pour tenir le cap de décembre 2023 et marteler la détermination du président Tshisekedi de s’engager sur cette voie. “Le chef de l’État tient à ce que nous puissions faire notre travail en toute indépendance et professionnalisme car le pays doit retrouver sa place dans le concert des nations par les élections”, a-t-il expliqué le 9 décembre dernier, avant d’ajouter, suite à une rencontre avec Félix Tshisekedi que “son bureau s’engage à organiser effectivement des élections crédibles en termes de qualité et en termes de promptitude, c’est-à-dire dans les délais constitutionnels”.
Pression américaine
Des déclarations qui n’ont pas complètement apaisé certains partenaires de la RDC, États-Unis en tête, qui ont plusieurs fois répété l’obligation pour le pouvoir en place et le bureau de la Ceni de respecter “scrupuleusement” la Constitution et d’organiser ce scrutin dans des conditions de transparence et d’inclusivité.
Le 28 janvier dernier, une délégation politique américaine, emmenée par la sous-secrétaire d’État adjointe pour les Affaires africaines, Amy Holman, a encore rappelé par la voix de son ambassadeur en RDC Mike Hammer, “l’importance de préparer des élections libres, équitables et inclusives en 2023. Les États-Unis reconnaissent les efforts de la RDC pour renforcer sa démocratie et s’engagent à soutenir un processus électoral crédible et dans le délai constitutionnel”.
Les obstacles sont nombreux
Denis Kadima se veut rassurant. Sa feuille de route confirme l’organisation de la présidentielle et des législatives pour la fin de l’année 2023… mais elle développe aussi les obstacles – nombreux – qui pourraient remettre en cause ce bel agenda.
“Il faut noter que cette feuille de route ne peut se matérialiser que si un certain nombre de contraintes sont surmontées”, a insisté Denis Kadima, avant de préciser que son équipe avait fait “des analyses sans complaisance des risques qui pourraient affecter négativement la mise en œuvre de cette feuille de route” Et de mettre le doigt sur les risques politiques et sécuritaires, citant “le retard de l’appui des institutions de l’État dans l’accompagnement de la Ceni” et “l’insécurité dans certaines zones du territoire national qui peut bloquer le déploiement du matériel, du personnel et les collectes de données”.
Le président de la Ceni a aussi déjà quasiment enterré la possibilité de repasser à un scrutin à deux tours pour la présidentielle, même constat pour le vote des Congolais de l’étranger, deux demandes d’un pan de l’opposition politique. “Si on optait pour un deuxième tour à l’élection présidentielle, cela aurait une incidence sur le budget des opérations. Même constat pour le vote ou non des Congolais de l’étranger, […] tout cela aura une incidence”, a expliqué Denis Kadima.
Bref, cette première mouture apparaît comme un beau calendrier théorique qui ne convainc guère. “Ça va être très, très compliqué mais pas infaisable”, se contente un ancien soutien de Joseph Kabila passé dans la majorité tshisekediste. “De la poudre aux yeux”, explique un proche de Moïse Katumbi, candidat empêché en 2018 et qui semble se préparer pour être présent sur la ligne de départ en 2023. “S’il y a une vraie volonté politique, ces élections auront lieu. Mais le président Tshisekedi veut-il vraiment affronter le vote populaire ? Avec le bilan qui est le sien aujourd’hui, c’est difficile à imaginer.”