Kenya: la Cour suprême examine une révision constitutionnelle controversée

Kenya: la Cour suprême examine une révision constitutionnelle controversée

La Cour suprême du Kenya a commencé mardi à examiner un projet de révision constitutionnelle controversé, au coeur du jeu politique depuis plusieurs années dans ce pays d’Afrique de l’Est qui tiendra le 9 août ses élections présidentielle et législatives.

Le gouvernement a fait appel devant la plus haute juridiction du pays de deux décisions de justice qui ont bloqué ce texte envisageant une modification du régime présidentiel actuel.

Baptisée Building Bridges Initiative (BBI), cette révision prévoit notamment de créer de nouveaux postes dans l’exécutif (un Premier ministre, deux vice-Premiers ministres, un leader de l’opposition) et d’augmenter le nombre de parlementaires (de 290 à 360).

Selon le président sortant Uhuru Kenyatta, à l’origine de ce projet, cette ouverture du pouvoir permettrait de diluer la règle du « vainqueur rafle tout », qu’il considère comme la cause des conflits post-électoraux qu’a connus le Kenya.

Pour ses détracteurs, il s’agit d’une manoeuvre du chef de l’Etat, qui n’est pas autorisé à se présenter pour un troisième mandat, pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre.

Adopté par le Parlement en mai et prêt à être soumis à referendum, le BBI a été bloqué par la justice.

Un tribunal, puis une cour d’appel ont jugé que le président n’avait pas constitutionnellement le droit d’initier un tel processus. La justice a également estimé que Kenyatta pouvait être poursuivi au civil pour avoir lancé illégalement ce processus.

Les audiences devant la Cour suprême sont prévues jusqu’à jeudi. Les sept juges feront alors connaître la date de leur décision.

– Paysage politique redessiné –

Selon des analystes, même si la Cour suprême donne raison au gouvernement et permet que le texte soit soumis à referendum, ce dernier ne pourra être organisé avant les élections du 9 août.

Malgré tout, en cas de décision favorable, « les promesses de postes importants seront au centre du jeu dans les stratégies de campagne et pourraient peser sur le résultat de l’élection », souligne à l’AFP Macharia Munene, professeur à l’Université internationale américaine de Nairobi.

Depuis son lancement en 2018, le BBI a refaçonné le paysage politique kényan.

Le texte concrétise un rapprochement inattendu entre Uhuru Kenyatta et son opposant historique Raila Odinga, initié après les violences post-électorales de 2017-2018.

Pays de 50 millions d’habitants comptant 45 communautés ethniques officielles, le Kenya a été à plusieurs reprises le théâtre de violences politico-ethniques après les élections, notamment en 2007 quand plus de 1.100 personnes avaient été tuées.

Odinga, 77 ans, a annoncé en décembre qu’il se présentait pour la cinquième fois à la présidence. Il est soutenu par des poids lourds du parti présidentiel.

Ce rapprochement s’est fait au détriment du vice-président William Ruto, 55 ans, initialement adoubé par Uhuru Kenyatta pour lui succéder.

– Jeunes non inscrits –

En rupture publique avec le président, M. Ruto ne s’est pas officiellement déclaré candidat mais s’affiche comme tel, tenant des meetings à tambour battant.

Il se pose en héraut des « débrouillards » du petit peuple face à l’alliance d’Odinga et Kenyatta, héritiers de deux dynasties politiques kényanes qui sont également issues des deux principales ethnies du pays, les Kikuyu (Kenyatta) et les Luo (Odinga).

Odinga a reçu lundi le soutien de 30 gouverneurs, sur les 47 que compte le pays. Ruto en compte, lui, officiellement dix.

Ces soutiens sont capitaux car les dirigeants des comtés mettent alors leurs réseaux politiques locaux ainsi que leur ressources financières au service du candidat.

Lundi, le gouvernement a par ailleurs lancé une deuxième campagne d’inscription sur les listes électorales, dans l’espoir notamment d’enregistrer les six millions de jeunes ayant atteint l’âge de voter depuis le scrutin de 2017. Une première opération de ce type en fin d’année dernière avait peu mobilisé.

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