Mali : quel avenir pour la Minusma et l’opération Barkhane ?

Mali : quel avenir pour la Minusma et l’opération Barkhane ?

Les sanctions prises par les pays de la Cedeao contre la junte militaire au pouvoir à Bamako soulèvent un tas de questions et pourraient faire indirectement le jeu de Moscou.

« Il ne faut pas se moquer du monde !”, tonne un diplomate sénégalais interrogé par La Libre.be. “Le pouvoir militaire en poste à Bamako depuis ce qu’il convient d’appeler le second coup d’État de mai 2021 n’a cessé de défier la communauté internationale, notamment en annonçant que les prochaines élections, qui doivent rendre le pouvoir aux civiles démocratiquement élus, n’auraient pas lieu en ce début d’année 2022 mais dans quatre ans. C’est inacceptable. Les pays de la région ont pris les choses en main, ils n’avaient pas le choix.”
Les membres de la Cedeao (la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest, qui regroupe seize pays de la sous-région – Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo et Mali) ont en effet décidé dimanche soir, lors du… huitième sommet consacré au Mali depuis le “premier” coup d’État d’août 2020, de renforcer les sanctions déjà prises en décembre 2021 contre la junte au pouvoir à Bamako. Parmi les sanctions annoncées et qui sont d’“application immédiate” : la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Mali ; la suspension de toute transaction commerciale, à l’exception des produits de première nécessité, comme les médicaments, les produits pétroliers et l’électricité, et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest et dans toutes les banques commerciales de la région.
Un véritable tremblement de terre pour le gouvernement du colonel Assimi Goïta, le chef de la junte militaire, qui a immédiatement rappelé ses ambassadeurs en poste dans les pays voisins, dénoncé une décision instrumentalisée par “des puissances extrarégionales aux desseins inavoués” et appelé “à la solidarité et à l’accompagnement des pays et institutions amis”.

Bras de fer inévitable

Les pays de la Cedeao n’avaient pas le choix. C’est leur crédibilité et celle de l’institution qui étaient en jeu et qui le sont toujours dans un climat régional sous très haute tension (forte présence djihadiste, déploiement de “militaires/mercenaires” russes et coup d’État aussi en Guinée en novembre dernier) et alors que l’Union africaine et l’Union européenne avaient mis entre leurs mains la résolution de cette crise malienne.
En décembre dernier, face à la mauvaise volonté de la junte qui traînait des pieds pour annoncer un retour aux urnes rapide, les pays de la sous-région avaient déjà décrété une panoplie de sanctions (gel des avoirs et interdiction de voyager pour 150 personnalités membres des institutions actuelles). En réponse, le gouvernement malien avait dépêché en vain le chef de sa diplomatie pour tenter d’amadouer ses voisins avant que le colonel Goïta ne tente un marchandage de dernière minute pour “maintenir le dialogue et une bonne coopération avec la Cedeao”, de remettre son pouvoir à un président élu dans quatre ans plutôt que dans cinq.
Imbuvable pour les chefs d’État voisins qui ont jugé “totalement inacceptable” cet agenda proposé fin décembre, car il “signifie simplement qu’un gouvernement de transition militaire illégitime prendra en otage le peuple malien durant les quatre prochaines années”.

Regard vers Moscou

La partie s’annonce serrée. Face à la crise économique qui paraît inexorable, le pouvoir à Bamako semble aujourd’hui jouer la carte du repli identitaire et de la mobilisation nationale.
Une politique qui sera intenable à moyen terme mais qui pose la question de l’avenir immédiat du déploiement des troupes étrangères dans le cadre de la mission des Nations unies pour la stabilité du Mali (Minusma – plus de 15 000 militaires et policiers issus de 61 pays dont des Belges) ou de l’opération française Barkhane. Comment continuer en effet à travailler avec une armée nationale dont le gouvernement est placé au ban de la société ? Question d’autant plus sensible que le pouvoir en place à Bamako se montre très accueillant vis-à-vis de Moscou qui ne se fait pas prier pour envoyer officiellement des “formateurs”, Paris évoquant l’envoi de plus de 300 agents du groupe de mercenaires Wagner proches du Kremlin et de plus en plus présents sur le terrain africain.
L’Union européenne doit se pencher sur la question malienne dès ce mardi mais les premières décisions effectives ne devraient pas tomber avant le prochain conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE prévu le 24 janvier.

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