En Éthiopie, les rebelles mobilisent les Arabes contre Addis Abeba : « Le Tigré a besoin de vous »

En Éthiopie, les rebelles mobilisent les Arabes contre Addis Abeba : « Le Tigré a besoin de vous »

Les Tigréens ne sont que 5 % à être musulmans mais les rebelles font feu de tout bois.

C’est l’AFP à Beyrouth qui a levé le lièvre : les rebelles de la province éthiopienne du Tigré, en guerre depuis plus d’un an avec Addis Abeba, se mobilisent sur Internet pour rallier le monde arabe à leur cause.

Seuls 5 % des Tigréens sont musulmans, les autres sont chrétiens orthodoxes. Mais qu’à cela ne tienne : les propagandistes du TPLF (Front populaire de libération du Tigré) rappellent un épisode de l’histoire : au VIIe siècle, le Négus (empereur) d’Abyssinie – où le christianisme était religion d’État depuis trois siècles – avait accueilli des compagnons de Mahomet fuyant les persécutions à Médine. Cet épisode, mentionné dans la tradition islamique, servit de base pour les bonnes relations du royaume d’Aksoum, qui deviendra l’Éthiopie, avec ses voisins arabes.

« Maintenant c’est le Tigré qui a besoin de vous »

Aujourd’hui, les propagandistes du TPLF tentent de joindre les 300 millions d’internautes du monde arabe en les exhortant : « Par le passé vous avez eu besoin de nous, maintenant c’est le Tigré qui a besoin de vous. » La ville d’Aksoum se trouve en effet dans le Tigré actuel, au nord de l’Éthiopie. À son apogée, entre le Ier et le VIe siècle, le royaume d’Aksoum recouvrait le nord de l’Éthiopie actuelle, l’Érythrée, Djibouti, la Somalie, une part du Soudan, de l’Arabie et de l’Égypte actuels.

Si cet appel était entendu et suivi d’effets, on imagine la complication du conflit interne éthiopien, qui déstabilise déjà la Corne de l’Afrique.

Comment est-il né ? Durant 30 ans, la minorité tigréenne (6 % de la population éthiopienne) a largement dominé le pouvoir fort instauré après le renversement, en 1991, du régime militaire du Derg. C’est, en effet, le TPLF qui était le meilleur groupe armé de la coalition victorieuse, après la guérilla érythréenne ; celle-ci obtint l’indépendance de l’Érythrée, voisine du Tigré, en 1993.

En 2018, accède au pouvoir à Addis Abeba un Oromo (ethnie la plus nombreuse d’Éthiopie, 35 % de la population), Abyi Ahmed, qui, petit à petit, remplace les Tigréens dans nombre de postes de pouvoir qu’ils monopolisaient.

La colère des élites tigréennes de se voir dépossédées des prébendes de l’État se replia sur une accentuation du désir d’autonomie de la province nordiste. Le Premier ministre Abiy Ahmed, au contraire, prit quelques mesures vues comme centralisatrices.

En 2020, le TPLF, au pouvoir au Tigré, refusa le report des élections régionales décidé en raison du Covid – en Éthiopie comme dans plusieurs autres pays du globe – et tint son propre scrutin. Le 4 novembre 2020, Abyi Ahmed envoya l’armée nationale punir les forces armées tigréennes qui avaient attaqué des postes militaires de l’armée fédérale au Tigré. Depuis lors, la guerre fait rage, avec des milliers de morts, 2 millions de déplacés, un cortège d’exactions contre des civils et des poches de famine.

Au cours de l’année 2021, les rebelles tigréens – qui disposent des meilleurs officiers après avoir dominé l’armée nationale pendant 30 ans – ont remporté des succès militaires, reprenant des territoires tigréens à l’armée nationale et avançant dans les provinces voisines Amhara et Afar. En novembre, ils ont en outre reçu l’appui de huit autres mouvements armés éthiopiens – parmi lesquels compte surtout l’Armée de libération Oromo, dissidence du Front de libération Oromo qui avait rallié Abiy Ahmed – dans le but d’évincer ce dernier.

Retournement de situation

Ayant longtemps dominé le pouvoir éthiopien, le TPLF a beaucoup de contacts diplomatiques et académiques à l’extérieur, qu’il a mis à profit pour défendre sa cause avec succès sur la scène internationale.

Le Premier ministre Abiy Ahmed, de son côté, s’est beaucoup démené, allant lui-même au front. Dernièrement, il a réussi à renverser la situation grâce à l’utilisation de drones qui ont anéanti de nombreux chars du TPLF et forcé les rebelles à se replier sur le Tigré (révélant leurs exactions dans les régions non tigréennes) et à proposer un cessez-le-feu. Les observateurs, cependant, y voient un moyen de gagner du temps, les deux camps voulant chacun écraser l’autre.

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