RDCongo: la libération de Kamerhe fait des remous

RDCongo: la libération de Kamerhe fait des remous

Par Marie-France Cros.

Condamné à 13 ans de prison par la Cour d’appel de Kinshasa pour détournement d’argent public au mois de juin dernier, Vital Kamerhe, 62 ans, l’ancien directeur de cabinet et allié politique du président Félix Tshisekedi, a été libéré le 6 décembre. Une décision de la Cour de cassation qui suscite un tollé dans l’opinion publique congolaise.

Vital Kamerhe avait fait alliance avec Félix Tshisekedi en 2018, après que tous les deux eurent renié leur promesse d’accepter le candidat commun de l’opposition quand il s’avèrera qu’il s’agirait de Martin Fayulu. Cette alliance prévoyait que le Sud-Kivutien aiderait le Kasaïen à remporter la Présidence en décembre 2018, en échange de l’aide de ce dernier pour la présidentielle de 2023. Devenu le directeur de cabinet du président Tshisekedi après les élections frauduleuses de 2018, Vital Kamerhe avait rapidement attiré l’attention sur lui par des irrégularités.

Arrêté en avril 2020

En avril 2020, il avait été arrêté dans le cadre de détournements, corruption et blanchiment d’argent dans le cadre des « travaux des 100 jours » – période de 2019 durant laquelle le Président et son cabinet avaient dirigé le pays avec un gouvernement sortant qui ne pouvait qu’envoyer les affaires courantes et avant que le gouvernement du nouveau chef de l’Etat soit installé en bonne et due forme.

En juin 2020, Vital Kamerhe avait été condamné en première instance à 20 ans de travaux forcés, 10 ans d’inégibilité et d’interdiction d’accès à la fonction publique, avec confiscation de biens. En juin 2021, la Cour d’appel avait réduit la peine à 13 ans de prison.

La caution: 1% de ce qu’il a détourné

Ce 6 décembre, cependant, Vital Kamerhe a été libéré sous caution d’un demi-million de dollars – soit 1% de ce qu’il a détourné selon le jugement – un an et demi après son incarcération. C’est la Cour de Cassation qui a pris cette décision « provisoire », avançant, pour la justifier, « le tableau médical très critique » du détenu.

Or, tournent en boucle sur les réseaux sociaux, depuis lundi soir, de nombreuses images montrant un Kamerhe en pleine forme, souriant, fêtant avec danseuses, amis et famille sa libération.

« Scandale judiciaire »

Cela a suscité une levée de boucliers dans les commentaires du public congolais. « Chers ministres, faites ce que vous voulez! », ironise un internaute qui rappelle d’autres libérations de personnalités du régime poursuivies pour corruption (« Eteni », « Bakonga »); « Un pays de merde à cause de ces délinquants au pouvoir. Tshisekedi doit dégager, c’est un inconscient »; « En RDC le vol est autorisé »; « De toute manière Kamerhe était tout le temps dehors » (NDLR: hors de sa prison); « En RDC, la prison c’est pour le petit peuple »; « Là où la sécurité juridique a disparu (…) le mot-même de progrès devient dérisoire »; « Libérer les voleurs de deniers publics, c’est encourager d’autres voleurs »; « Ceux qui dirigent ont une seule mission, s’enrichir et se protéger mutuellement »; ou réclamant la libération d’un proche de Moïse Katumbi emprisonné lui aussi pour détournement.

Pour sa part, l’ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la justice) a réagi sur son compte Twitter: « En accordant la liberté provisoire à Vital Kamerhe, pourtant saisie comme  juridiction de contrôle de conformité de la décision d’appel à la loi, la Cour de Cassation a créé un scandale judiciaire ».

Félix Tshisekedi avait jusqu’ici proclamé l’Etat de droit et la lutte contre la corruption comme ses deux chevaux de bataille et en avait fait un argument de « vente » de son régime aux bailleurs de fonds occidentaux.

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