Un présumé génocidaire de Bisesero est jugé aux assises de Paris

Un présumé génocidaire de Bisesero est jugé aux assises de Paris

Par Marie-France Cros.

C’est un citoyen “ordinaire” qui est l’accusé du troisième procès pour génocide tenu en France, pays qui a donné asile à de nombreux présumés génocidaires. Claude Muhayimana, 60 ans, naturalisé Français en 2010 et employé de la ville de Rouen, a comparu lundi après-midi devant la cour d’assises de Paris pour répondre de ses activités au Rwanda en 1994, lors du génocide contre les Tutsis, alors que, chauffeur, il a “sciemment” transporté des tueurs sur les lieux de massacres de la préfecture de Kibuye et, notamment, à Bisesero.

C’est là que, fin juin 1994, l’armée française – qui prétendait mener une “opération militaro-humanitaire” au Rwanda alors qu’elle était jusque-là l’alliée du régime qui organisa le génocide – avait abandonné plusieurs centaines de Tutsis qui faisaient l’objet d’attaques armées de la part d’extrémistes hutus. L’opération “militaro-humanitaire” française avait servi à exfiltrer des responsables extrémistes hutus du Rwanda, où les génocidaires perdaient du terrain face au Front patriotique rwandais (FPR, dominé par les Tutsis).

L’establishment français est extrêmement réticent à voir son armée accusée et aucun des cinq gradés mis en cause n’a été inculpé ; en mai dernier, le parquet de Paris a donc requis un non-lieu au sujet des poursuites intentées à des militaires français par des survivants de Bisesero. Mais le procès de Claude Muhayimana va forcément aborder le problème, d’autant que l’accusé aurait travaillé pour l’armée française à la fin du génocide.

Une longue réticence française

Plus généralement, la France a freiné des quatre fers pour juger de présumés génocidaires. En cas de demande d’extradition, elle a souvent refusé de donner suite aux demandes de Kigali au motif que la justice n’était pas garantie au Rwanda. Mais elle a tout autant renâclé à juger elle-même les personnes mises en cause. En 2004, la France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour la lenteur des procédures judiciaires visant de présumés génocidaires rwandais présents sur son territoire.

C’est en 2014 qu’aura lieu le premier procès pour génocide, aux assises de Paris – contre 2001 pour le premier procès en Belgique, devant les assises de Bruxelles.

Complicité de génocide

Claude Muhayimana est accusé de s’être “à Kibuye sur le site de l’école de N’Yamishaba et sur les sites des collines de Karongi, Gitwa et Bisesero, entre le 7 avril et juillet 1994, […] rendu complice d’atteintes volontaires à la vie et d’atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux”. Il s’y serait rendu coupable de complicité “de pratiques massives et systématiques d’exécutions sommaires, de tortures ou d’actes inhumains”. Il aurait assisté “sciemment les auteurs des dits actes en assurant le transport des tueurs sur les sites des attaques”.

Un mandat d’arrêt international avait été lancé contre lui par le Rwanda dès 2011 ; deux fois, la justice française ordonnera son extradition, deux fois la Cour de cassation la refusera. Ce n’est qu’en novembre 2017 que l’ancien chauffeur sera renvoyé devant les assises par la justice française.

Parmi les témoins de l’accusation annoncés figurent des tueurs – ayant terminé de purger leur peine au Rwanda ou encore détenus – ainsi qu’un des rescapés de Bisesero.

Le génocide a fait un million de morts – presque tous nommément connus – en majorité des Tutsis tués pour le seul fait d’être Tutsis, mais aussi de nombreux Hutus tués pour avoir protégé des Tutsis ou pour avoir refusé de tuer.

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