Par Marie-France Cros.
Le président américain Joe Biden a annoncé jeudi la levée des sanctions que les États-Unis avaient imposées au Burundi en novembre 2015 en raison des violations massives des droits de l’Homme qui y étaient observées depuis avril de la même année. Elles touchaient huit personnes, la majorité liées au régime de Pierre Nkurunziza (2005-2020), mais aussi un opposant qui avait choisi la lutte armée. Selon son décret, M. Biden affirme que la situation qui avait justifié ces sanctions, notamment “les meurtres et violences contre des civils” et la “répression politique”, avait été “modifiée de manière significative par les événements de l’année écoulée”. Une affirmation en contradiction avec de récents rapports.
Le décret Biden invoque, comme améliorations, “le transfert du pouvoir après les élections de 2020, une réduction significative de la violence et les réformes engagées par le président Ndayishimiye dans de nombreux secteurs”.
Or le pouvoir a été conféré par le régime Nkurunziza, à l’issue d’élections frauduleuses, au candidat choisi par ce régime, le général Evariste Ndayishimiye. Il y a bien eu passage de relais, mais pas alternance à la tête de l’État.
“Recrudescence” de la torture et des disparitions
Quant à la réduction de la violence depuis l’arrivée au pouvoir du général, elle est mise en doute par divers rapports. Ainsi, en septembre dernier, la Commission d’enquête de l’Onu sur le Burundi constatait que malgré les promesses du président Ndayishimiye, la situation des droits de l’Homme restait “désastreuse” au Burundi, un an après son avènement, en juin 2020, et s’était même “à certains égards détériorée”.
Parmi les améliorations, ce rapport notait la levée de certaines sanctions contre la société civile et les médias et la libération de certains défenseurs des droits de l’Homme et journalistes. En revanche, la situation avait “globalement empiré” pour les partis politiques, les ONG et les journalistes : “restrictions abusives” des droits de membres des partis d’opposition, “disparitions, arrestations et détentions arbitraires”, “actes de torture”.
Le rapport notait que certains actes commis par les forces de sécurité du régime Ndayishimiye “pourraient constituer des crimes contre l’humanité” alors qu’elles “continuent de bénéficier d’une impunité généralisée pour leurs actions, comme c’est le cas depuis 2015”.
Au début de ce mois, l’ONG Initiative pour les Droits humains au Burundi (IDHB), qui regroupe des chercheurs sur ce pays, a publié un rapport sur la “recrudescence des cas de torture et disparition” dans ce pays, soulignant une évolution alarmante depuis l’été 2021.
En juin dernier, douze ONG avaient écrit à l’Union européenne – qui envisage, elle aussi, une levée des sanctions – pour la dissuader de le faire tant qu’il n’y aura pas de progrès concrets en matière de droits de l’Homme.