Commentaire par Marie-France Cros.
« Tout va très bien », disent le Premier ministre et le ministre des Finances aux Congolais, en annonçant un accroissement des ressources de l’Etat et en fixant le budget national pour 2022 à 10 milliards de dollars, soit une augmentation de 42% par rapport à l’année précédente. Ceux qui épluchent leur projet trouvent pourtant qu’on est loin du compte.
D’abord l’augmentation des ressources de l’Etat vient essentiellement du 1,5 milliard de dollars versé par le Fonds monétaire international (FMI), même si la RDCongo bénéficie aussi de la hausse de la production et des prix du cuivre et du cobalt, ainsi que d’un meilleur prélèvement des impôts. Avec le slogan « le peuple d’abord », le président Félix Tshisekedi devrait, logiquement, profiter de ces rentrées accrues pour améliorer enfin la situation socio-économique des Congolais, scandaleusement mauvaise au regard des ressources du pays. Or, il n’en est rien: les proportions reçues par les différents secteurs ne changent pas, même si le budget total augmente.
https://afrique.lalibre.be/65591/rdcongo-un-budget-de-10-milliards-de-dollars-pour-2022/
Le fonctionnement des institutions se voit ainsi consacrer 38% du budget – une part colossale. La Présidence, en particulier, voit ses allocations augmenter dans la même proportion: 37%. En revanche, l’Education et la Santé stagnent autour de 3%, comme les Infratsructures et l’Agriculture, dans un pays si riche en terres arables qu’il devrait être le grenier de l’Afrique alors qu’il est contraint d’importer sa nourriture tant le secteur est laissé à l’abandon. Le social, en réalité, est le cadet des soucis de ceux qui gouvernent les Congolais, notamment du président Tshisekedi, photographié chaque semaine dans des fêtes plus somptueuses les unes que les autres.
https://afrique.lalibre.be/64063/la-diplomatie-pour-les-nuls-lappetit-vient-en-mangeant/
La situation est plus grave encore. Car, même favorisées par le budget 2021, les institutions ont dépassé largement (alors que cette année n’est pas encore finie) les sommes qui leur étaient imparties: la Présidence a ainsi dépensé plus de deux fois et demi le budget qui lui était octroyé; l’Assemblée nationale, le Sénat et les gros ministères sont presque aussi coupables. En revanche, les ministères sociaux ont dépensé moins que ce que les parlementaires avaient voté pour eux; il faut bien prendre l’argent quelque part… Et oui, les parents pauvres de la société congolaise sont encore moins bien servis que ce qui apparaît dans les documents.
Et parlons-en de ces documents. La loi de Finances doit être examinée dans les 40 jours après son dépôt. Or, si cette année, le projet de budget a bien été déposé dans les temps, le 15 septembre, il a fallu une soixantaine de jours pour qu’il soit étudié par les députés. Il l’a été « en urgence » – comme souvent – ce qui a laissé peu de temps aux députés pour l’approfondir. D’aucuns ont du mal à croire que ce n’est pas voulu, afin d’empêcher les députés de trop détailler le texte et d’y découvrir des énormités. Le projet lui-même est singulièrement peu clair, rendant la critique plus malaisée encore. Un hasard? Des observateurs notent que cela se répète trop souvent, malgré le paquet de diplômés dont disposent les institutions, pour que ce ne soit pas voulu. Un enfumage en bonne et due forme.