Par Dominique Kabongo, politologue, York University.
La RDC semble impuissante à exorciser ses vieux démons. Soixante un après son independance, cette dite « république » demeure prisonnière d’un tourbillon cyclique d’une vélocité accrue, ayant comme facteur majeur une classe politique irresponsable et un leadership inexistant.
Cette classe politique est caractérisée par des individus sans idéaux, centrés sur l’enrichissement illicite et rapide au détriment de l’avenir de toute une nation. Epris du culte de la personnalité, ils prêtent inconditionnellement allégeance à leur maître du moment pourvu qu’ils survivent. Hier Joseph Kabila, aujourd’hui Felix Tshisekedi. Mais en RDC plus rien n’est étonnant.
Malgré des richesses naturelles estimées immenses, ce pays est constamment sous perfusion économique des institutions de Breton Woods et à la recherche d’investisseurs pour se développer. Or, à ce jour, aucun pays n’est passé d’une phase agraire à une phase moderne en comptant sur les investissements extérieurs. L’ossature économique de la RDC demeure extravertie, dépendante des facteurs exogènes; c’est le cœur du problème.
Après trois ans au pouvoir, l’échec de Felix Tshisekedi est palpable. Certes, les défis de la RDC ne peuvent se résoudre en un quinquennat; néanmoins une amélioration des indicateurs socio-économiques devraient se ressentir dans le quotidien du Congolais. Or la grogne sociale s’accentue; l’absence de l’Etat, le vide du pouvoir sont omniprésents. Les cas plus illustratifs sont les grèves observées dans les secteurs vitaux – les médecins, les enseignants – sans compter le fiasco dans l’exécution de l’état de siège à l’est du pays.
Le dernier gouvernement de Tshisekedi, dit « des guerriers », est tout simplement amorphe. Les dit « animateurs clés » sont bien évidemment concentrés sur la prochaine affaire qui fera d’eux de nouveaux riches, le sprint vers le statut de millionnaire étant permanent. Le dossier du RAM, géré par Kibassa fils, ministre des Postes, Telecoms et Nouvelles technologies et beau-frère de Felix Tshisekedi, en est une illustration parfaite: cette taxe prélevée sur les téléphones mobiles l’est officiellement pour éviter la contrebande, mais ce coût est déjà inclus dans les impôts; et personne ne sait où vont les recettes du RAM.
En face des pratiques népotistes du régime et faute d’un programme gouvernemental commun d’inclusivité collective, il y a une population meurtrie à qui on avait promis monts et merveilles et qui s’interroge sur les causes de sa souffrance. Il suffit d’écouter le commun des mortels dans les rues congolaises pour comprendre le climat explosif qui règne en RDC particulièrement à Kinshasa. On y observe un retrait communautaire: subitement, le thème tribal ressurgit.
La RDC refait face à ses vieux démons à cause de l’attitude irresponsable et inconsciente des acteurs politiques. Au Katanga, Munongo Kifwakiyo et Évariste Kibwe, en 1960, furent les principaux exécuteurs de l’épuration ethnique des Kasaiens, tandis que Nguza Karl-i- Bond et Kyungu wa Kumwanza furent ceux de 1992. Le contexte actuel est diffèrent cette fois, car l’ethnie visée – une fois de plus – est celle du Président en exercice. Qui donc en portera la responsabilité? Félix Tshisekedi lui-même et ses lieutenants, ou tout autre animateur politique vecteur de ce regain tribal? Dans tous les cas de figure, cette fois les responsabilités devront être établies et la justice internationale sera saisie. A ce jour, il n’y a eu ni justice, ni réparation, encore moins rétribution pour les crimes odieux de 1960 et 1992. L’histoire doit nous servir d’enseignement face au climat socio-politique explosif actuel.
En tenant compte des spécificités sociale de la RDC, le consensus dans l’approche de gestion publique demeure le meilleur choix. Le déséquilibre observé dans la gestion de l’Etat – du moins dans la prise de décision – suscite énormément de frustration.
L’élection de Denis Kadima à la tête de la Ceni (Commission electorale nationale indépendante)est ainsi perçue comme une enième entorse en termes de gestion politique unilatérale de la part de Felix Tshisekedi. Bien que Kadima remplisse les conditions techniques pour diriger la Ceni, son élection dans un climat non-consensuel, avec vices de procédure et allégations de proximité avec Felix Tshisekedi permettent de s’inquiéter : qu’arrivera-t-il au lendemain des élections de 2023?
Le gaz étant dans l’air, il y a lieu de craindre le pire dans ce contexte conflictuel, l’annonce du gagnant pourrait-elle être l’élément déclencheur d’une troisième épuration ethnique contre les Kasaiens, autrement dit d’une guerre civile? Désamorcer les tensions politiques s’avère plus qu’indispensable à ce stade et cette responsabilité incombe au président Félix Tshisekedi
Si tel n’était pas le cas, ce sont ceux-là même avec qui on se tient bras dessus bras dessous dans les salons feutrés aujourd’hui qui appuieront la très fameuse thèse selon laquelle la RDC est trop grande et, les Congolais ne pouvant se supporter les uns les autres, l’implosion du pays ne serait pas nécessairement une mauvaise chose.
Or, la RDC ne souffre pas d’un déficit de cohésion sociale mais plutôt d’une carence en leadership, doté d’une vision progressiste. Le salut du Congo viendra uniquement d’une conscience citoyenne collective des Congolais. Par conséquent n’attendons plus, agissons plutôt.