L’ODEP (Observatoire de la dépense publique), une ONG bien connue des Congolais,a diffusé un communiqué de presse cinglant pour dénoncer l’instrumentalisation, par le chef de l’Etat, de l’IGF (Inspection générale des Finances) « à des fins politiciennes ». Elle appelle en outre Félix Tshisekedi à diminuer le train de vie de la Présidence.
« L’IGF dépend non pas de la Présidence de la République mais du Président de la République », indique le communiqué. « Voilà pourquoi nous nous adressons à l’employeur donneur d’ordre et non à l’employé ».
La colère de l’ODEP a été provoquée par les propos tenus samedi dernier par « le collaborateur de Félix Tshisekedi », Jules Alingete, « placé à la tête de l’IGF », à propos des dépassements budgétaires chroniques à la Présidence de la République. « Impossible de croire que ce haut cadre de l’IGF peut autant fouler aux pied les dispositions contitutionnelles et légales relatives aux finances publiques sans avoir reçu les ordres et injonctions de son employeur ».
Gabegie financière
Et l’ODEP d’accuser l’Inspection des Finances de « couvrir une gabegie financière », alors que les dépassements budgétaires à la Présidence « sont devenus une culture et un mauvais exemple venu d’en haut pour tous les gestionnaires des finances de l’Etat dans tout le pays ».
Selon le communiqué, fin septembre, plusieurs institutions avaient ainsi déjà dépassé leur budget annuel, tandis que la Présidence est arrivée à ce point dès le milieu de l’année: « Depuis le mois d’août 2021, la Présidence engage les dépenses sans disponibilité des crédits ». Elle a déjà dépensé 253,7 millions de dollars alors que 159,8 millions avaient été votés pour toute l’année, soit un dépassement de 111% qui va encore se creuser d’ici à la fin décembre. Pour toute l’année 2020, la Présidence avait dépassé son budget de 18 millions de dollars, contre 93,9 millions jusqu’ici en 2021.
En cause, notamment, l’explosion de la taille du cabinet du président Tshisekedi, passé de 445 personnes en 2019, à 1018 cette année et 1096 prévues pour 2022. L’ODEP cite également les « voyages du Président », au sujet desquels des plaisantins ironisent sur les réseaux sociaux en assurant qe M. Tshisekedi a récemment consenti à rendre visite… au Congo.
La loi prévoit des sanctions
L’ODEP souligne qu' »une telle gouvernance budgétaire (…) ne peut permettre ni de créer des richesses, ni d’améliorer les conditions sociales de la population. Encore moins de (…) rendre effective la décentralisation telle que prévue par la Constitution ».
Rappelant que le parlement est « l’autorité budgétaire » et la Cour des Comptes « une institution supérieure de contrôle », l’ODEP souligne que la loi prévoit des sanctions pour toute personne « qui aura engagé des dépenses sans disponibilité de crédits ».
L’ONG exhorte le chef de l’Etat à réhabiliter la Cour des Comptes et à « laisser travailler avec objectivité » l’IGF, devenue « une arme redoutable pour placer des proches de la coalition au pouvoir à la tête des entités publiques ».
Elle l’exhorte aussi à mettre fin aux « mauvaises pratiques de gestion des finances publiques qui sont devenues pérennes au sommet de l’Etat depuis janvier 2019 » quand Félix Tshisekedi a accédé à la Présidence; à mettre fin à « la campagne d’apologie de la mauvaise gouvernance que vient de commencer votre collaborateur de l’IGF » et à le « sanctionner »; à « réduire le train de vie de l’institution Présidence de la République dont les crédits ont augmenté de 100 millions de dollars dans la loi de finance 2022 ».