Le tribunal civil de Bruxelles entendra jeudi matin les plaidoiries dans le cadre d’une plainte contre l’État belge pour crime contre l’humanité. Quatre Belges et une Française, nées au Congo entre 1946 et 1950, réclament justice à la Belgique pour avoir organisé une ségrégation raciale dont elles figurent parmi les victimes. Comme de nombreux enfants métis, nés de l’union d’un Belge et d’une Congolaise, durant la période où le Congo était une colonie belge, elles ont été arrachées à leur foyer pour être placées dans des orphelinats. Charles Michel, alors Premier ministre, a présenté, en 2018, ses excuses au nom de l’État belge pour la ségrégation des enfants métis au Congo, au Rwanda et au Burundi. Mais pour les plaignantes, cela ne suffit pas. Elles réclament réparation. Elles ont ainsi déposé plainte contre l’État belge pour crime contre l’humanité et ont introduit une action en responsabilité civile devant le tribunal de première instance de Bruxelles. C’est la première fois qu’une demande de qualifier la politique coloniale d’un pays de crime contre l’humanité est déposée en justice.
Dès 1911, la Belgique a appliqué au Congo deux décrets qui ont légalisé l’acheminement et le confinement des métis dans des asiles philanthropiques ou des orphelinats. Il s’agit du décret du 12 juillet 1890, qui concernait la protection des enfants abandonnés, orphelins, délaissés ou trouvés, dont la tutelle était déférée à l’État, et du décret du 4 mars 1892, qui autorisait les associations philanthropiques et religieuses à recueillir, dans les colonies agricoles et professionnelles qu’elles dirigeaient, les enfants indigènes dont la loi avait déféré la tutelle à l’État. Ces deux décrets ont ensuite été remplacés par le décret du 4 août 1952, qui accorde entièrement aux commissions administratives de tutelle le droit de décider si des enfants relèvent de la tutelle de l’État.
Pour les plaignantes, ce sont ainsi des rapts d’enfants métis qui ont été organisés par l’État belge et mis en œuvre avec le concours de l’Église. Les fonctionnaires de l’État colonisateur recevaient des instructions pour organiser les enlèvements des enfants issus d’une union mixte, en contraignant les mères à se séparer d’eux, d’après des documents officiels issus des archives coloniales, cités par les plaignantes. Les enfants étaient placés dans des missions catholiques qui se trouvaient sur le territoire du Congo belge. Dès leur plus jeune âge, – certains avaient entre deux et quatre ans -, les métis furent ainsi arrachés à leur mère et à leur village natal par le recours à la force, aux menaces ou à des manœuvres trompeuses alors que ces enfants n’étaient ni abandonnés ni délaissés, ni orphelins ni trouvés.