Le film « Aya » doublement primé lors de la 36e édition du Fiff à Namur

Le film « Aya » doublement primé lors de la 36e édition du Fiff à Namur

Porté par sa magnifique interprète, Marie-Josée Kokora, le film Aya*** de Simon Coulibaly Gillard a remporté deux prix dans le cadre du Festival international du film francophone (Fiff) qui s’est achevé hier soir à Namur. Meilleure interprétation pour  Marie-Josée Kokora et prix Cinevox pour le long métrage porteur d’un message fort, déjà remarqué lors du festival de Cannes.

Ce n’est pas le désert qui avance, c’est la terre qui recule. Sur la presqu’île de Lahou, installée à la croisée de l’Océan atlantique et de la lagune, au large d’Abidjan, les habitants et les pêcheurs regardent, avec inquiétude, les vagues partir à l’assaut de leurs maisons, de leur cimetière. Certains ont d’ailleurs déjà commencé à déplacer les morts pour éviter que l’eau n’envahisse leur dernière demeure et ne vienne troubler leur repos éternel.

Pour Patricia (Patricia Egnabayou), qui vit seule avec sa fille, Aya (Marie-Josée Kokora), et son petit garçon Eli, les temps sont plus durs que jamais. Veuve, elle doit affronter seule la précarité du quotidien – trouver à manger, s’occuper des enfants – en plus des menaces qui grondent à l’horizon : un déménagement qui semble aussi inéluctable qu’imminent. Adolescente solaire et malicieuse, sa fille Aya aime se promener le long des côtes, traquer les noix de coco et les crabes, observer les pêcheurs qui ramènent les pirogues à bout de bras, en chantant. Elle aime aussi taquiner sa mère, la titiller et feindre de lui manquer de respect. Une complicité blagueuse qui leur permet, le plus souvent, d’affronter les tracas avec sérénité et recul. Mais cette vie de semi-insouciance pourrait s’achever bientôt, le paradis d’Aya est menacé à mesure que les adultes parlent de fuir son village adoré.

Un récit à la frontière entre fiction et documentaire

Avec un art consommé du cadrage, de la photographie et de la lumière, Simon « Coulibaly » Gillard filme un paradis en voie de perdition, un monde en plein naufrage, une bande côtière condamnée à être mangée par la mer. Entre fiction et documentaire, le réalisateur capture le quotidien de cette petite communauté ivoirienne menacée par la montée des eaux. Un phénomène directement lié au dérèglement climatique, forçant les habitants à devenir une nouvelle génération de réfugiés économiques qui, bientôt, devront trouver à se loger, se nourrir et travailler en ville, au milieu de la foule anonyme. A contempler la vie paisible sur la presqu’île ivoirienne, malgré le dur labeur des pêcheurs et l’incertitude des lendemains, on comprend Aya qui ne veut rien savoir, rien entendre : sa vie, elle veut la bâtir à Lahou et nulle part ailleurs.

Amoureux de l’Afrique de l’Ouest et habitué à y travailler presque en solo (avec son assistant burkinabé), Simon « Coulibaly » Gillard, cinéaste-artisan, à la fois cadreur et preneur de son, signe avec Aya son quatrième film (tous réalisés entre Burkina Faso et Côte d’Ivoire), mais son premier long métrage, présenté à Cannes dans la section parallèle Acid.

Tourné en avikam, la langue parlée à Lahou par les habitants du bord de la lagune, Aya raconte la vie de ces îliens menacés par les flots. Par amitié pour le réalisateur, ils ont tous accepté de jouer leur propre rôle devant sa caméra complice. Et la justesse de ces comédiens amateurs contribue pleinement à la beauté et à la puissance de son propos. Plus de 410 millions de personnes à travers le monde seraient menacées par l’élévation du niveau de la mer.

Karin Tshidimba

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