RDC : Les mêmes lignes rouges pour l’ambassadeur américain Mike Hammer et Moïse Katumbi

RDC : Les mêmes lignes rouges pour l’ambassadeur américain Mike Hammer et Moïse Katumbi

Grosse agitation ce jeudi 9 septembre sur le petit aérodrome de Kashobwe dans le Haut-Katanga. Et pour cause, l’ambassadeur américain Mike Hammer, toujours annoncé sur le départ, venait rendre visite avec une partie de son staff à Moïse Katumbi.

L’ancien gouverneur, candidat empêché à la présidentielle de 2018, a rejoint avec ses troupes d’Ensemble pour la République  l’Union sacrée du président Félix Tshisekedi. Pour autant, la romance n’est pas au beau fixe entre Tshisekedi et Katumbi. La perspective des élections législatives et présidentielle de fin 2023 vers lesquelles lorgnent les deux hommes n’est pas faite pour apaiser la situation, même si Moïse Katumbi n’a pas dévoilé ses intentions pour ce rendez-vous.

Félix Tshisekedi, lui, a annoncé qu’il était candidat à sa propre succession, une annonce faite lors d’un de ses déplacements dans le Haut-Katanga, histoire de toiser un peu plus celui qui pourrait être son principal adversaire. Il y a aussi le combat larvé qui se déroule actuellement en coulisses pour la mise en place de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le bras organisateur des élections, le potentiel faiseur de roi si le scrutin ne devait pas être tout à fait démocratique. Depuis des mois, le président, futur candidat, tente d’imposer son candidat à la tête de cette Ceni. Un candidat – Kadima – au CV irréprochable mais dont certains craignent qu’il ne soit pas impartial vu sa proximité avec le nouveau président et son premier cercle.

Après la mascarade d’élection de décembre 2018, qui a abouti à l’avènement d’un président désigné sans que la CENI ne publie le moindre procès-verbal de ce scrutin en violation complète de la constitution, on comprend que la prudence soit de mise lors de la confection des équipes qui devront chapeauter le prochain scrutin.

L’UDPS voudrait reporter les élections de 2023

Un rendez-vous électoral qui pourrait aussi être miné par la loi sur la « congolité » boutiquée par Noël Tshiani, ancien candidat à la présidentielle, non élu et dont le parti ne dispose d’aucun strapontin mais qui a réussi à faire endosser sa proposition législative par un membre de la majorité présidentielle, le député Nsingi Pululu. Le texte veut interdire la candidature aux postes sensibles de l’Etat à toutes celles et ceux qui ne sont pas de mère et de père congolais. Suivez mon regard.

Une proposition de loi aussi dangereuse que raciste dans un pays aux neuf pays voisins, aux frontières poreuses et où le registre national est quasi inexistant. La couleur de peau deviendra-t-elle le principal critère de sélection ?

Tant sur la Ceni que sur la loi sur la « congolité », le silence présidentiel est assourdissant.  Pas un mot, pas un commentaire. Officiellement pas une consigne.

Lignes rouges

Pourtant la bonne tenue des prochaines élections en 2023 et un scrutin transparent et inclusif sont des éléments essentiels pour l’avenir du pays. C’est ce qu’a déclaré Moïse Katumbi dans sa dernière interview au magazine Jeune Afrique, c’est aussi le message qu’a porté l’ambassadeur américain lors de son déplacement ce jeudi à Kashobwe, des propos qu’il avait déjà tenu à plusieurs reprises.

Mike Hammer, dont la maman n’est pas américaine, avait déjà dit tout le mal qu’il pensait de la proposition de loi Tshiani. Il l’a répété ce jeudi à Kashobwe en visitant différents centres sportifs ou économiques du village de Moïse Katumbi. Une position qui n’est pas seulement celle de l’ambassadeur; qui devrait quitter son poste avant la fin de l’année 2021, mais bien celle défendue par l’administration Biden.

Jeu d’équilibre

Depuis  la désignation de Félix Tshisekedi à la tête de l’Etat, l’ambassadeur et ses différents post-noms aux couleurs locales a été l’un des premiers défenseurs de Tshisekedi. L’ambassadeur qui souffle à l’oreille du président n’a jamais hésité à s’immiscer dans les coulisses de la scène politique congolaise pour attiser les rancoeurs entre Tshisekedi et son parrain Kabila. Et l’ambassadeur peut se vanter d’avoir jusqu’ici plutôt bien mené sa barque. Le divorce est officiellement prononcé entre l’ancien et le nouveau président, les entrepreneurs trop gourmands ont été priés d’aller voir ailleurs et de céder une partie de leurs biens, les « amis » chinois de la Kabilie sont sous très haute tension. Les Américains apprécient et, en échange, ferment les yeux,  se montrent accommodants avec le pouvoir mais sans lui signer un chèque en blanc.

C’est en substance le message que fait passer Mike Hammer ces derniers temps. Les Etats-Unis peuvent se montrer pragmatiques mais n’accepteront pas que pour conserver le pouvoir, certains mettent en péril le fragile équilibre de la RDC et, par de là, de toute la région de l’Afrique centrale.

La visite de l’ambassadeur américain à Kashobwe doit être vue sous ce prisme. L’homme ne s’est pas rendu en catimini à Kashobwe. il l’a fait ostensiblement dans un contexte et avec les rendez-vous que tout le monde connaît. En insistant sur un scrutin ouvert, inclusif, loyal et « meilleur qu’en 2018 » l’homme a diplomatiquement corsé son message et envoyé un message limpide à toute la classe politique de la RDC.

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