Opinion de Maître Muhindo Mulumbi Jackson,
Avocat au Barreau de Goma.
Depuis 2009, la République Démocratique du Congo connaît toujours des troubles sociaux relatifs au contrôle des institutions d’appui à la démocratie.
La rupture des coalitions a eu souvent entre autres causes le contrôle de l’une de ces institutions. Les débats sur ces institutions se résument sans fin à : comment organiser en amont la garantie de toute fraude électorale éventuelle ? Ce qui n’est pas rassurant pour la paix civile, la lutte s’y fait au mépris de la laïcité de l’État.
Et les Congolais, en grand nombre, expliquent qu’ils n’iront plus exercer leur droit de vote. Pour eux, désormais, la Commission électorale nationale indépendante et la Cour constitutionnelle sont devenues l’origine de la souveraineté et de tout pouvoir ; ce, malgré l’article 5 de la Constitution.
La crainte, c’est que le dégoût électoral du grand nombre soit source de violences.
Les guerres contre Mobutu et Laurent Kabila avaient pour prétextes le défaut d’élections, de démocratie. On sait les crimes contre l’humanité sur lesquelles elles ont débouché. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Tous les efforts de maintien de paix risqueraient d’être réduits au travail de Sisyphe : ce travail qui se défait et qu’il faut sans cesse recommencer.
Pour pallier ce mal cyclique, il faut oser une proposition de loi électorale pour « civiliser » les institutions d’appui à la démocratie.
Ma proposition de loi :
• Criminalise la fraude et de la corruption électorales. Ces crimes deviennent imprescriptibles. La fraude et la corruption électorales sont la cause des guerres à l’origine de pires crimes contre l’humanité. Sur fond de la théorie juridique de l’équivalence des conditions, c’est faire justice de rendre imprescriptibles les causes. Selon cette théorie : celui qui s’est compromis dans un acte illicite, en est tenu même des suites accidentelles (Qui in re illicita versatur, tenetur etiam pro casu) ou bien, la fraude indéterminée est alors fixée par son résultat (Dolus indeterminatus, determinatur eventu).
• Conseille la saisie des patrimoines des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante et des juges constitutionnels qui auront cautionné la fraude et la corruption électorales. Ces fortunes aideront à l’organisation des scrutins à venir. Faites que la peine surpasse l’avantage du délit !, c’est là le principe classique de l’utilité de la peine. La peine, pour être juste, doit être proportionnée à la qualité du crime (Poena ad mensuram delicti statuenda est).
Ces deux innovations dans la loi doivent permettre aussi de sauver la laïcité de l’État.
• Crée une chambre d’appel au sein de la Cour constitutionnelle, à la manière de la Cour pénale internationale et d’autres juridictions internationales. Ainsi, seront résolus les problèmes de validation, invalidation et ré-invalidation connus en 2019 devant la Cour constitutionnelle sans respect du principe constitutionnel de l’autorité de la chose jugée ;
• Abolit le seuil électoral, en ce que celui-ci viole la liberté d’association (dédiée non seulement par l’article 37 de la Constitution, mais aussi par l’article 20 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, l’article 10 point 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, tous textes d’une autorité supérieure aux lois internes suivant l’article 215 de la Constitution ). Une loi électorale à seuil viole la pyramide des normes. Le seuil rend impossible les candidatures indépendantes. Il impose, sans le dire clairement, aux partis politiques des regroupements. Sa pratique viole, quant aux Accords et Traités, le « pacta sunt servanda » ou l’obligation d’exécution de bonne foi les Accords et Traités internationaux prévue à article 26 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969;
• Exclut les candidatures à différents scrutins qui ont lieu le même jour. Pareilles pratiques le sont par narcissisme et non pour efficacité partout;
• Interdit les candidatures à suppléances familiales. Elles violent les articles 4 et 26 combinés du Pacte international relatif du 16 décembre 1966 et l’article 13 de la Constitution qui tous interdisent la discrimination basée sur l’origine sociale, de naissance et familiale. Bannir ce genre de candidatures, c’est faire la distinction entre la vie publique et la vie privé, c’est élever la République contre les coteries, c’est, par solidarité africaine, donner à ceux qui n’ont pas de famille forte la chance d’être quelqu’un. Par famille il faut entendre, outre les personnes unies par le sang descendant d’un ancêtre commun, la cognation, l’alliance et l’adoption ;
• Laisse la question des cautions électorales aux discussions conjoncturelles ;
• Etc.
Laisser une République Démocratique sans loi moralisant le secteur électoral, c’est sacrer la force pour droit !
Cette proposition de Loi électorale se veut le visage de « l’État de droit », idéologie commune à tous les partis politiques du monde. Elle veut la sincère démocratie en Afrique, en commençant par le bel exemple par la RDC.