Le fils de Paul Rusesabagina, un Belge d’origine rwandaise qui attend à Kigali le verdict de son procès pour “terrorisme”, et un de ses avocats, Me Vincent Lurquin, ont réclamé mercredi à Bruxelles que les autorités belges demandent à Kigali un transfèrement vers Bruxelles de l’accusé pour y poursuivre l’instruction en cours.
Gérant de l’hôtel “Mille Collines” durant le génocide, Paul Rusesabagina, 67 ans aujourd’hui, avait accédé à une notoriété internationale quand Hollywood en avait fait un héros dans le film “Hôtel Rwanda”.
Depuis 2016, il dirigeait une plateforme regroupant des partis d’opposition et deux mouvements armés. Il est jugé depuis février dernier avec 19 autres personnes d’un de ces deux mouvements armés, le Front de libération nationale (FLN), pour des attaques qui ont fait 9 morts et des dégâts matériels importants en 2018 et 2019.
Prison à vie requise
Les procureurs ont requis la prison à vie contre Paul Rusesabagina, accusé d’avoir financé le FLN en pleine connaissance de cause de leurs actions meurtrières et d’avoir acheté des armes pour les FDLR, groupe armé rwandais installé au Kivu (est du Congo), considéré comme terroriste par la communauté internationale.
Les avocats rwandais de l’accusé ont demandé sa libération parce qu’il avait été “enlevé” ; Paul Rusesabagina avait été arrêté à l’aéroport de Kigali il y a un an après y avoir été attiré par ruse. Ils ont plaidé qu’il devait être jugé en Belgique puisqu’il était belge ; sans succès au motif que la Belgique elle-même jugeait des accusés de terrorisme étrangers. Ils ont demandé, toujours en vain, un report de six mois du procès.
Paul Rusesabagina a admis avoir financé le FLN. Un de ses co-accusés, le chef militaire FLN Callixte “Sankara”, a souligné que Rusesabagina ne dirigeait pas le groupe armé.
Le verdict, d’abord annoncé pour le 20 août, a été reporté d’un mois.
Prendre des mesures contre Kigali
“On aimerait bien qu’il soit libéré”, a indiqué le fils de l’accusé mercredi à Bruxelles. “Mais au moins le minimum ce serait le transfèrement” vers la Belgique. “On sait que mon père est belge, qu’il a été enlevé, on veut qu’il vienne se défendre ici en Belgique, sinon il faut prendre des mesures nécessaires” contre le Rwanda.
Me Lurquin, qui a été expulsé du Rwanda le week-end dernier pour avoir, pour la seconde fois, “enfreint la loi sur l’immigration”, sans avoir réussi à rencontrer son client, a, pour sa part, dressé un parallèle entre l’”affaire Rusesabagina” et celle du père belge Guy Theunis. Ce prêtre avait été détenu durant deux mois au Rwanda en 2005 pour avoir reproduit des extraits d’articles incitant au génocide dans le magazine Dialogue ; il avait agi ainsi dans le cadre d’une revue de presse comportant également nombre d’articles n’incitant pas au génocide. Après son transfèrement en Belgique à la suite de tractations entre Bruxelles et Kigali et une longue instruction du parquet fédéral, le père Theunis avait été acquitté.