Le Congo sans vaccins après avoir laissé périmer les siens

Le Congo sans vaccins  après avoir laissé périmer les siens

Par Marie-France Cros.

Les autorités congolaises ont déclaré mercredi que le Congo-Kinshasa était en rupture de stock de vaccins AstraZeneca contre le Covid. “Actuellement, il n’y a plus de doses d’AstraZeneca”; les trois différents lots reçus le 2 mars sont périmés  depuis, respectivement, les 24 et 27 juin ainsi que le 11 juillet. C’est ce qu’a déclaré à l’AFP le Dr Jean-Jacques Mbungani, ministre de la Santé.

Entre le début de la vaccination, le 19 avril,  jusqu’au 11 juillet, 75 789 personnes  seulement ont reçu une injection, dont 2015 ont reçu la deuxième dose, dans un pays de 80 millions d’habitants. On observe en effet une grande méfiance face au vaccin, alors que la campagne a quasiment été sabotée par les autorités.

Une campagne quasiment sabotée

Ainsi, alors qu’il était prévu que la campagne de vaccination soit lancée en grande pompe, en présence du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi ne s’était pas présenté à ce lancement officiel, le 19 avril, ni plusieurs ministres attendus – alors que circulaient des bruits sur leur refus d’être vaccinés eux-mêmes. Seul le ministre sortant de la Santé s’était fait vacciner pûbliquement. le Dr Eteni Longondo.

Résultat: extrêmement peu de gens se sont présentés pour une injection. En outre, ouverte aux  Congolais les plus âgés seulement, la vaccination ne l’a pas été aux plus jeunes; des trentenaires désireux de se protéger ont ainsi dû faire des pieds et des mains – et verser quelques pots-de-vin – pour obtenir la précieuse piqûre.

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Devant l’inutilisation des doses d’AstraZeneca au Congo, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et l’Unicef (agence de l’Onu pour l’enfance) avaient décidé, en mai, de rediriger vers d’autres pays l’essentiel (1,4 million) des 1,7 million de doses fournies à Kinshasa par le système Covax, avant qu’elles ne soient périmées. Ce qui est resté au Congo  n’a pas été que partiellement  utilisé et est maintenant périmé.

“J’ai bien fait”, dit le Président

Le 1er juillet dernier, le président Félix Tshisekedi a enfoncé le clou lors d’une déclaration publique à Goma (Nord-Kivu): “J’ai bien fait de ne pas me faire vacciner”, a-t-il affirmé. Comme il est aussi actuellement président de l’Union africaine, sa petite phrase a été reprise sur tout le continent, y renforçant les “antivax”.

Pour justifier son refus du vaccin – alors que la maladie a déjà tué 32 parlementaires et décimé son entourage – M. Tshisekedi a mis en doute l’”efficacité” d’AstraZeneca, vaccin qui avait été choisi par les autorités congolaises pour des raisons de facilité de conservation dans un pays dépourvu d’infrastrucures de base.

Devant le tollé suscité par la déclaration du chef de l’Etat, le directeur de la Communication de la Présidence conglaise, Eric Nyindu, avait affirmé: “Le Président est un fervent promoteur de la vaccinationen tant que recommandation de santé publique” mais “sur le plan personnel il attendra  (…) l’arrivée en RDCongo d’autres lots de vaccins. A ce moment-là, quand il y aura une panoplie plus large, il se fera vacciner”. Et le communiquant d’ajouter: “Chacun est libre de se faire vacciner ou pas”.

Selon le ministre Mbungani, “nous sommes en attente de 50.000 doses d’AstraZeneca entre fin juillet et mi-août; de 250.000 doses du vaccin Pfizer que nous aurons dans les quatre semaines”. Kinshasa a également “négocié avec la Chine pour avoir 400.000 doses du vaccin chinois Sinovac”,  “tandis que dans l’initiative de l’Union Africaine, le pays bénéficiera d’une méga-donation de 26 millions de doses que nous allons recevoir progressivement.”

Hôpitaux et morgues “débordés”

En attendant, alors que 84% des virus circulant au Congo sont des variants indiens Delta, très contagieux et frappant aussi les jeunes, les hôpitaux et les morgues sont “débordés”, selon le Dr Jacques Muyembe, patron de la riposte contre le Covid.

Un habitant de Goma (Nord-Kivu) signale à La Libre Belgique que “les hôpitaux sont débordés et il y a des enterrements chaque jour”. Et de stigmatiser  “le non-respect des gestes barrière, y compris par des membres des délégations gouvernementales et députés venus de Kinshasa et vus dans des réjouissances nocturnes dans les bars et boîtes de nuit par la population de Goma, alors qu’ils étaient en mission de compassion” après l’éruption du volcan Nyiragongo, le 22 mai dernier.

Le gouverneur militaire du Nord-Kivu a décrété ce 13 juillet un service minimum dans les administrations et dans le secteur privé afin d’entraver la propagation du virus.

https://afrique.lalibre.be/61988/covid-19-lunion-africaine-sen-prend-au-systeme-covax/

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