RDCongo: l’incroyable élection du bureau de l’Assemblée nationale

RDCongo: l’incroyable élection du bureau de l’Assemblée nationale

Par Marie-France Cros.

Journée cruciale pour la politique congolaise, mercredi, avec l’élection par les députés d’un bureau définitif de leur Assemblée nationale pour remplacer le bureau temporaire mis en place après l’éviction de celui de Jeanine Mabunda en décembre. Les conditions de cette élection, toutefois, sont estomaquantes.

Elle a commencé vers 12h30, au lieu de 10h, tant les députés étaient peu pressés de venir jouer leur rôle dans une affaire déjà pliée. Et pour cause.

L’élection avait été organisée par le “bureau d’âge” temporaire (le doyen de l’Assemblée, assisté par les deux plus jeunes députés, tous issus de la coalition kabiliste FCC) mis en place après la destitution du bureau Mabunda. Cette destitution avait signé la rupture de la coalition entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, coalition qui avait permis de donner au premier la majorité dans les assemblées législatives et au second le fauteuil présidentiel – le tout sans que soient jamais publiés les PV des résultats électoraux pour légitimer ces “victoires électorales”.

Un accord de « cogestion » entre kabilistes et Tshisekedi

Je me valide moi tout seul

Le président temporaire de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, présidait la commission de validation des candidatures aux sept postes à pourvoir. Le grand âge n’excluant pas l’ambition, M. Mboso était aussi candidat à devenir le président définitif de l’Assemblée nationale pour la nouvelle coalition ralliée au président Félix Tshisekedi, l’Union sacrée, aujourd’hui dominée par des transfuges kabilistes du FCC. Ceux-ci ont en effet cédé à la menace proférée par le chef de l’Etat d’une dissolution de l’Assemblée, qui les priverait de leurs émoluments et avantages alors qu’ils ont peu de chance de gagner une élection transparente.

Comme une élection est un exercice comportant des risques – celui de ne pas être élu – M. Mboso avait aplani l’obstacle à franchir: c’est lui qui a décidé qui pourrait se mesurer à lui. Et sa décision fut claire et nette: personne. Il était en effet le seul candidat qu’il eut admis pour le poste de président du bureau. La simple déontologie eut voulu qu’il laisse la charge d’admission des candidatures à, par exemple, le deuxième doyen en âge de l’Assemblée.

https://www.digitalcongo.net/article/60031316574c550017cf7609/

Règlement inconstitutionnel

Mboso avait également admis une seule candidature pour les autres postes à pourvoir, à l’exception de celui de rapporteur adjoint, pour lequel deux noms avaient été retenus. Les autres candidats ont été rejetés au motif qu’ils n’avaient pas été élus députés en tant qu’indépendants et que leur candidature n’était pas endossée par un parti ou un regroupement de partis – ce qui aurait été difficile puisque de nombreux partis ont une aile restée kabiliste et une autre ralliée à Tshisekedi.

Mboso dit s’appuyer, pour agir ainsi, sur le règlement d’ordre intérieur adopté par l’Assemblée nationale début 2019, quand elle était encore kabiliste. Pour empêcher ses ouailles de quitter ses rangs et affaiblir ainsi sa majorité si peu légitime, Joseph Kabila avait en effet fait adopter une règle selon laquelle chacun devait se déclarer “majorité” ou “opposition” en début de législature et ne pouvait changer de camp jusqu’aux élections suivantes. La Cour constitutionnelle vient, à la mi-janvier, de déclarer cette règle inconstitutionnelle, soulignant que le mandat des députés n’est pas impératif – et permettant ainsi au président Tshisekedi de rallier à son Union sacrée plusieurs centaines de transfuges du FCC, désormais libres de changer de parti.

Or, font valoir les députés dont il a rejeté la candidature, M. Mboso, qui profite de cette liberté pour quitter les kabilistes et se rallier à l’Union sacrée, lui aussi, prétend appliquer le règlement d’ordre intérieur déclaré inconstitutionnel pour empêcher des candidats de se présenter sous une autre bannière que celle qu’ils brandissaient début 2019. La Constitution n’est pas à géométrie variable, font  valoir ceux qu’il a écartés.

Cela n’a pas empêché M. Mboso, dans sa campagne électorale, mardi, d’assurer qu’il travaillerait à la promotion d’un “Etat de droit”.

Rejet de la requête au Conseil d’Etat

Candidat unique au poste de premier vice-président du bureau, Marc Kabund-a-Kabund (UDPS, parti historique des Tshisekedi), compte  quant à lui prendre sa revanche: la même Assemblée nationale l’avait destitué de ce poste en mai dernier pour avoir “nui à l’image” de l’institution, histoire de lui faire sentir que c’étaient les kabilistes qui commandaient la coalition avec les tshisekedistes. Il entend bien, désormais, à la tête de l’Union sacrée, mener ses collègues à la cravache. Ce spécialiste des manifs de choc de l’UDPS a cependant promis de travailler dans l’union et la concorde.

Une requête devant le Conseil d’Etat de 14 candidats refusés par M. Mboso a été rejetée. On ignore encore la réaction de la Cour constitutionnelle, priée d’interpréter sa propre décision indiquant que le mandat des députés n’était pas impératif.

Sans surprise, Christophe Mboso a obtenu 389 voix sur 466 votants, avec 69 bulletins nuls et 8 abstentions.

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