Opinion: existe-t-il un Etat de droit en République Démocratique du Congo ?

Opinion: existe-t-il un Etat de droit en République Démocratique du Congo ?

Dr Jean-Claude Makenga Bof.

Créer un Etat de droit semble être le slogan de campagne de tout politicien congolais, d’une part pour attirer la sympathie de la population et d’autre part, pour obtenir l’adhésion de cette dernière à son parti politique. En réalité, la plupart des partis politiques en RDC n’ont pas une vision claire et précise et encore moins un réel projet de société pour l’instauration de cet Etat de droit dont tout Congolais rêve. Il est un fait manifeste: la plupart des politiciens ont calqué leurs projets de société sur le modèle occidental, sans aucune vision et ou d’outils d’accompagnement pouvant matérialiser et concrétiser cette approche.

Les Nations Unies (UN) décrivent un Etat de droit comme : « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs».

Sans fausse modestie, les lois en RDC ne sont pas encore à ce jour au-dessus de tout individu ou citoyen. Force est de constater que c’est la loi du plus fort qui est la meilleure. La RDC semble être non pas un Etat de droit à proprement parler mais plutôt un système d’enrichissement personnel et/ou d’un groupe d’individus. L’inexistence d’une classe moyenne prouve à suffisance un malaise dans la gestion de la chose publique. On rapporte dans la littérature que quelque 75% de la population congolaise vit en situation d’extrême pauvreté, avec moins de 1,9 dollar (US) par jour et le reste est constitué de commerçants et de politiciens vivant dans l’opulence. Ceci peut démontrer l’inexistence d’un « Etat » pouvant garantir son développement et préserver l’intérêt général.

Pays en développement, la RDC fait régulièrement appel à la Banque Mondiale et aux différentes institutions internationales pour solliciter des prêts à des taux préférentiels pour divers programmes de développement, sans que la population bénéficie jamais de ces aides. A titre d’illustration, l’on peut citer l’inexistence de courant électrique stable dans tout le pays, d’eau potable dans certaines provinces et villes du pays, de routes modernes reliant différentes provinces et ou villes, d’hôpitaux modernes de l’Etat, etc. En outre, l’agriculture, la pêche, l’élevage sont au point mort. Est-ce à dire que l’Etat congolais est en faillite ? Dès lors que l’impunité, la corruption ainsi que les détournements de fonds battent leur plein, sans que l’Etat puisse y remédier, il y a de quoi conclure à l’inexistence d’un tel Etat de droit.

Du point de vue sociologique, la RDC donne l’image d’un groupement d’individus ne se souciant que de son enrichissement plutôt que de l’intérêt de la population.

Du point de vue organisationnel, la RDC apparaît comme une « communauté » d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant un système politique caractérisé par une mauvaise gouvernance de la chose publique et par une la classe politique largement corrompue.

Sur la plan juridique, la RDC ressemble à un ensemble d’abus de pouvoirs et de contrainte collective que la nation impose aux citoyens en vue de faire prévaloir ce qu’elle appelle « intérêt général », tout en ne respectant pas la nuance éthique relative au bien public ou au bien commun qui la caractérise.

A titre illustratif, les indicateurs de la gouvernance, publiés par la Banque Mondiale en 2010 (Kaufman et alii, 2010) sur la base de six critères (responsabilité citoyenne, stabilité politique, efficacité des pouvoirs publics, qualité de la réglementation, État de droit, maîtrise de la corruption), placent la R.D.C en dernière position en Afrique et actuellement, il ne fait l’ombre d’aucun doute que rien ne s’est amélioré.

En effet, l’accession de la RDC à l’indépendance en 1960 a été suivie de turbulences politiques, à telle enseigne que le gouvernement central n’était pas en mesure de répondre aux attentes de la population. Depuis lors, le pays se trouve être plongé dans une sorte de chaos, dont les signes les plus manifestes ont commencé à paraître avec le déclin de sa politique et de son économie, voire même de l’administration publique au début des années 90. La crise se manifeste par un constat de faillite de plusieurs services ou entreprises publiques. Les politiques publiques mises en œuvre se sont révélées contreproductives et les milieux ruraux se dépeuplent. Cette situation a aggravé les problèmes d’urbanisation et d’insécurité dans les villes.

Les différentes transitions politiques post-indépendance n’ont été qu’un échec, attribué tant à la mauvaise gouvernance d’antan qu’à la corruption de la classe politique actuelle de la RDC. Eu égard à l’histoire de la RDC, le pays est toujours sous le fardeau d’une certaine forme de gouvernementalité laquelle est l’obstacle principal à la reconstruction de cet Etat et à une prise en main adéquate de la crise humanitaire à laquelle celui-ci est confronté. Par ailleurs, à tous les niveaux de l’appareil d’État, la fonction publique est considérée comme un moyen d’acquérir des fortunes personnelles et des privilèges. Le détournement de fonds à grande échelle affecté à des fins militaires et à la reconstruction du pays a rendu d’une part, l’armée nationale inefficace au point où elle ne parvient pas à assurer son rôle primordial de défense et de sécurité de l’Etat et, d’autre part, a desservi le développement du pays.

Nous assistons au 21e siècle aux derniers soubresauts d’une période historique de la RDC qui se meurt, celle de la période post-dictature. Il est vrai que les différentes malversations, crises et conflits armés ont réveillé des consciences sociales visibles, dans la demande accrue d’une démocratie, d’un mieux-être en éducation, en information, etc. Ce sont là aussi les signes que la RDC est en pleine transition politique, sociale et culturelle. Concomitamment, le pays patauge dans une anarchie généralisée faite de régression sociale, de violence et de corruption. Cette situation perdure et profite tant à des acteurs internes qu’externes et, au lieu d’envisager des alternatives de développement de la RDC, accentue le sort malheureux de ce pays.

C’est la raison pour laquelle nous appelons à la conscience collective de chaque Congolais de s’impliquer massivement dans un processus de changement du système actuel au pouvoir qui gangrène et tue notre pays. Une bonne gouvernance, un cadre réglementaire offrant un environnement favorable à la croissance, la mise en place de services publics efficaces sont des voies efficaces qui pourront contribuer, entre autres, à réduire la pauvreté.

Cette approche du développement qui place au centre des politiques, la qualité des institutions est aujourd’hui dominante.

Congolaises, Congolais, mettons-nous debout et sauvons notre beau et cher pays en soutenant dès aujourd’hui une véritable alternance du système politique, condition sine qua non pour développer la RDC et y instaurer véritablement un Etat de droit.

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