« Personnalité solaire, énergie positive, humour et franchise » sont les qualités mises en avant par les partenaires de la comédienne Aïssa Maïga, également coauteure du livre Noire n’est pas mon métier. (vidéo)
Lumineuse, c’est le premier terme qui vient à l’esprit lorsqu’on aperçoit Aïssa Maïga dont le sourire illumine le visage ébène. Pourtant, la route fut longue avant d’amener cet être solaire face aux caméras françaises si frileuses face à la diversité.
Révélée par Cédric Klapisch dans Les Poupées russes, l’actrice est ensuite adoptée par Alain Chabat, Claude Berri, Michel Gondry et quelques autres. Fan de Romy Schneider, elle croise Gena Rowlands une autre de ses idoles dans Paris je t’aime en 2006. Bouleversante dans la peau d’une chanteuse de bar dans le film Bamako d’Abderrahmane Sissako, elle est nommée pour le César du meilleur espoir féminin en 2007. Que ce soit face à Haneke qu’elle qualifie de « clown » ou, au théâtre, dans La Nuit la plus longue, Aïssa Maïga aborde chaque aventure avec le même appétit. « Il faut investir le temps qui passe, c’est pour cela que je mène plusieurs projets de front. »
Vingt ans de carrière, une cinquantaine de films, ce n’est pas si mal pour une comédienne dont la couleur de peau a pourtant souvent été considérée comme « un frein »…
Un père journaliste engagé dans l’ombre de Thomas Sankara
Née à Dakar, au milieu des années 1970, d’un père malien (Peule) et d’une mère sénégalaise (Sérère), Aïssa comprend très vite que la vie en France ne sera pas simple. Arrivée à l’âge de 4 ans, elle doit très vite apprendre à y vivre sans son père, journaliste engagé, mort empoisonné. Est-ce le combat de son père auprès du Burkinabé Thomas Sankara, « président révolutionnaire« , qui a guidé sa volonté de combattre l’injustice aujourd’hui ? Bonne question…
Afin de dépasser les expériences de racisme et de sexisme ordinaire dans le milieu du cinéma et de la télévision, la comédienne publie un livre de témoignages, en mai 2018, avec 15 de ses consœurs : 120 pages édifiantes qui leur ont offert « l’occasion de déposer des bagages qui ne nous appartiennent pas et de les renvoyer à l’expéditeur », précise-t-elle en souriant.
« Dépasser les clichés, les stéréotypes et les réflexes de domination »
Des histoires reliées par la volonté de « dépasser les clichés et les stéréotypes », de déconstruire des idées reçues et des réflexes acquis de « domination des Blancs sur les Noirs et des hommes sur les femmes », sorte de double peine lorsque l’on est une actrice d’origine africaine…
La sortie du livre Noire n’est pas mon métier a précédé une montée des marches triomphale à Cannes et a enfin rendu visibles les revendications de ces comédiennes trop souvent snobées… En ce moment, la comédienne prolonge son travail par la réalisation d’un documentaire pour Canal+, sur le même sujet, qui intègrera d’autres témoignages recueillis en Amérique latine et aux Etats-Unis.
« En 2017, en France, sur 2617 rôles attribués au cinéma, seuls 171 ont été accordés à des acteurs noirs dont seulement 31 rôles principaux. Et les chiffres ou plutôt le gouffre est encore plus frappant lorsqu’on songe aux comédiens asiatiques, du Maghreb ou du Moyen Orient. S’unir autour d’une cause juste, c’est quelque chose de très noble. Une valeur à défendre et à partager » souligne la comédienne.

Cette semaine, on retrouve Aïssa Maïga en télévision, très juste dans le thriller Escale fatale, série irlandaise diffusée dès ce jeudi sur Arte (et arte.tv) qui explore le chemin de croix de nombreux migrants lorsqu’ils arrivent en Europe, ainsi que dans Il a déjà tes yeux, série française drôle et légère qui prolonge sur TF1 et La Une un succès né sur grand écran. On y suit le quotidien d’une famille noire ayant adopté un enfant blanc.
Karin Tshidimba